Chaque fois que j'entends par hasard une chanson de cet album qui passe, que ce soit dans un bar, à la radio, ou venant de la chambre de quelqu'un alors que je passe dans la rue, ça me fait toujours le même effet: je me retrouve le cœur serré par la nostalgie à penser à cette époque de mon adolescence où Mellon Collie and the Infinite Sadness passait en boucle dans ma chambre.


Je me souviens de cette tristesse qui m'étreint à cause d'amours impossibles.
Je me souviens de toutes ces angoisses face à un futur qui me paraît bouché et que j'essaye d'oublier.
Je me souviens de l'insouciance qui en découle, comme une manière de fuir ce monde que je ne comprends pas, que je n'ai pas envie de comprendre, en ne vivant que dans le présent, sans me soucier du lendemain, laissant de côté les devoirs qui ne seront jamais accomplis, les leçons qui ne seront jamais apprises et qui de toute façon ne serviront jamais à rien.
Je me souviens surtout de toutes ces personnes qui faisaient partie de ma vie, de ces vieux amis qui ce sont éloignés à travers l'espace-temps mais dont l'image des visages juvéniles me hantent encore si souvent.
Je me souviens de tous ceux qui à l'époque étaient encore vivants; ma mère, mes grands-parents, mes grandes tantes et grands oncles
Je me souviens de tout cela, et à travers la musique des Smashing Pumpkins et la voix de Billy Corgan, je plonge tout au fond de moi pour les y rejoindre, et le temps d'une chanson, de tous les retrouver, intacts, préservés; et je décide de rester un moment dans cette chambre, couché sur mon lit alors que l'album m'emmène de l'aube au crépuscule puis du crépuscule à la nuit, et que sa musique se diffuse par la fenêtre, voyageant au milieu de la cité sous un ciel bleu dominé par un soleil d'été.
En bas, ma mère est là nettoyant, buvant une petite bière de temps en temps lorsqu'elle à chaud pour se donner du courage à la tâche. Plus loin, je vois arriver ses cousines Kathy, Christine et Pascale venant lui rendre visite
Et la musique s'envole, survole les petites maisons de briques rouges dans lesquels se trouve mon grand-père prêt à partir boire un verre avec mon oncle Robert, et ma grand-mère discutant avec ses sœurs Rosette et Mauricette chez leur mère en buvant du Saint-Raphaël et en tirant de longues bouffées de sa cigarette qui aura raison d'elle comme de ma mère... Mais ça appartient à un autre monde, à un futur qui n'est peut-être qu'un rêve, qui sait.
La musique s'élève toujours et passe au dessus de la rue, du terril, du terrain de basket monté à même la rue, des prairies, des garages,... J'y vois. Yol, French, Fabrice, Geo, Serge, Stéphane, les Christophe, Xavier, Giovanni, David, Steve, Sébastien, Julien, Sandy, et tant d'autres...
Ils sont jeunes. Ils rient. Ils sont figés, là sous la lumière éclatante d'un soleil d'été. Sur leur visage se dessine un sourire et dans leurs yeux la nostalgie d'un temps qu'ils n'ont pas encore perdu.
Et moi, je reste dans ma chambre, voyageur temporel prisonnier de sa propre adolescence. Peut-être pour toujours, ou peut-être pendant deux heures. Et au moins jusqu'à ce que l'album s'achève, je suis de nouveau un ado.
Je crains d'être ordinaire, juste comme tout le monde
Malgré toute ma rage je suis juste comme un rat dans une cage.
Je suis un zéro dans cet endroit où il n'y a pas de pourquoi.
J'oublie d'oublier que rien n'est important.
Trop tard pour faire demi-tour
Vous ne pouvez me faire revenir
Du royaume des tendres désillusions, de la mélancolie et de la tristesse infinie
Mais l'impossible deviendra peut-être possible ce soir.


Et puis lorsque la chanson ou l'album s'achève, je reviens à moi; et mon adolescence, ainsi que ceux qui y ont vécus et continuent d'y vivre avec moi, disparaît comme un rêve au petit matin.
Je suis content d'être ici et maintenant, puis de prendre celle que j'aime dans mes bras.
Et parfois, je suis nostalgique de cette époque qui s'éloigne chaque jour un peu plus et dont je me souviens presque... Jusqu'à ce que je mette à nouveau Mellon Collie and the Infinite Sadness dans un lecteur.
Je me retrouve alors propulsé à nouveau dans cette chambre que je connais si bien.
J'entends ma mère, ma famille et mes amis qui m'appellent. J'arrive...

Samu-L
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le 16 juin 2021

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