Le chant des fantômes
Qu'attendre encore d'une sortie de Depeche Mode en 2023 ? La question se pose. Avant Memento Mori, Depeche Mode au XXIe siècle, c'est 5 albums, au bilan loin d'être exceptionnel. Seul le solide...
le 24 mars 2023
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Qu'attendre encore d'une sortie de Depeche Mode en 2023 ? La question se pose. Avant Memento Mori, Depeche Mode au XXIe siècle, c'est 5 albums, au bilan loin d'être exceptionnel. Seul le solide Playing the Angel est réellement parvenu à se faire une place honorable dans la discographie fleuve du groupe. En dehors de ça, Exciter, bien qu'ayant ses défenseurs, ne parvenait pas à exploiter au maximum des sonorités trip hop et ambiant qui auraient pourtant pu très bien s'intégrer à l'univers du groupe. Les trois derniers albums en date étaient de moins en moins intéressants. Si les sonorités electro-industrielles de Sounds of the Universe offraient un minimum d'intérêt, le groupe entre ensuite, pendant les années 2010, dans une sérieuse apathie, quelque part entre pilotage automatique, manque de créativité et tentatives ratées, culminant en 2017 sur un Spirit frôlant l'encéphalogramme plat.
Le quinzième album de Depeche Mode est bien évidemment marqué par un triste évènement ; le décès brutal d'Andrew Fletcher, membre fondateur du groupe, en mai 2022, à l'âge de 60 ans. Si le processus de composition était a priori terminé à la disparition d'Andrew, il est en revanche difficile de ne pas voir une forme d'hommage, voire de réflexion sur le deuil, dans un album nommé Memento Mori. Et si la mort est effectivement un thème traversant l'ensemble de l'album, il n'est en revanche pas martelé. Comme toujours chez Depeche Mode, la sensation globale est davantage mélancolique que pesante. L'album débute avec My Cosmos Is Mine, ouverture sombre et hypnotique, dans un appel à la tranquillité d'esprit. Mais c'est sur les deux titres suivants que Depeche Mode annonce réellement la couleur de cet album. Outre Ghosts Again, premier single de l'album, au riff de guitare entêtant et à la mélodie imparable, Wagging Tongue utilise une palette sonore qui rappelle invariablement les années les plus mémorables du groupe. Nous sommes en terrain connu, c'est certain, mais l'efficacité est redoutable. Et cela continue avec le romantisme torturé de Don't Say You Love Me et la noirceur de My Favourite Stranger, qui peut difficilement ne pas faire penser au son du groupe dans les années 90. Soul With Me, ballade chantée par un Martin Gore utilisant des inflexions vocales rappelant Bowie, est un changement de rythme bienvenu, avec les accents d'une pop un peu plus baroque. L'entrée dans la seconde moitié de l'album n'est dans un premier temps pas rassurante, avec un Caroline's Monkey très plat et peu mémorable, d'assez loin le moins bon titre de l'album. Before We Drown est plus intéressante et très belle, mais manque peut-être d'une idée réellement forte et marquante. Avec People Are Good, l'album retrouve cette volonté, explorée dans la première moitié, de retourner en terrain ultra connu, pour aller en extraire de nouvelles choses. Il est difficile de faire plus Depeche Mode que ce titre (l'autoréférence à People Are People dans le texte semble presque trop évidente pour ne pas être volontaire) et, à cet instant, on se dit que le risque d'autoparodie est élevé. Pourtant, le groupe évite cet écart, en équilibre constant entre nostalgie et modernité. La vaporeuse Always You permet de souligner la grande forme de Dave Gahan ; Memento Mori est un album excellemment bien chanté. Et il se termine en grande force, avec d'abord Never Let Me Go, chanson purement dark wave, aux riffs de guitare géniaux et au rythme nerveux. Vient enfin Speak To Me, concluant parfaitement l'album, d'une manière triste mais envoûtante, dans un crescendo éthéré et climacique.
Memento Mori est un album de paradoxes. Inattendu mais familier. Ancien mais nouveau. La critique la plus évidente que l'on pourrait lui faire, c'est son absence de prise de risque, tant dans les sonorités que dans les structures des chansons. Mais il s'agit là du revers de la médaille d'avoir voulu l'album efficace, instantanément accessible et au son intemporel. Sans atteindre les hauteurs de l'âge d'or de Depeche Mode, Memento Mori fait clairement partie des meilleurs albums de la deuxième vie du groupe, celle du siècle présent. Un album fort, complet et homogène. Personne ne criera au miracle, ni au chef-d'œuvre, mais pour le quinzième album d'un groupe de 43 ans, et qui sortait d'un cycle de trois albums plus que moyens, il y a quand même de quoi se réjouir pleinement.
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Créée
le 24 mars 2023
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