Je me rappelle qu'en seconde, au lycée, en plein hiver, nous étions allés voir Elephant de Gus Van Sant au cinéma avec notre prof de français. Je l'avais déjà vu avant par moi-même, mais c'est cette seconde vision sur grand écran qui m'avait réellement révélé le film, au point d'en ressentir un véritable choc (mon grand désarroi étant qu'aucun de mes petits camarade n'avait apprécié.) J'aime tellement ce film qu'il est aujourd'hui encore mon favori de Van Sant, et Van Sant est devenu depuis un de mes cinéaste favori.
Nous avions ensuite fait en classe une analyse assez complète du film. Nous avions notamment parlé de la signification du titre, d'où il venait (avec cette fameuse phrase ; "Elephant, c'est ce qui se voit comme le nez au milieu de la figure, mais ce que tout le monde souhaiterait bien occulter"), ainsi que des influences visuelles utilisées par Van Sant pour mettre en scène ce fameux fait divers de la fusillade du lycée Columbine datant de 1999 (avec, par exemple, des angles de caméra rappelant ceux des jeux vidéos à la troisième personne, comme Grand Theft Auto.)
Et à un moment donné, nous en étions bien entendu venus à parler du film d'Alan Clarke comme étant le support principal de Van Sant pour réaliser son film. Nous avions même vu les cinq premières minutes du film, qui m'avaient intriguées mais, curieusement, je n'avais encore jamais vu le film en entier.
Le film de Clarke est construit sur 18 séquences reprenant sans cesse le même schéma ; un homme, ou plusieurs, marchant dans la rue ou dans un bâtiment afin d'aller assassiner un autre homme (toujours à l'arme à feu), et repartant aussitôt. Ou, dans certaines des séquences, il arrive que ce soit la victime que la caméra suit. Les différents tableaux sont toujours filmés de la même manière (énormément de travellings à la Steadycam, de plans-séquences accompagnant les personnages, beaucoup de plans de dos et quelques plans fixes), et l'image est présentée sans aucun effet particulier, aucune retouche, donnant ainsi une forte impression de froideur, de glauque (créé notamment par les bâtiments délabrés du Belfast de la fin des années 80), de réel mais aussi, assez curieusement, de distance avec ce qu'il se passe à l'écran. Cela est peut-être du au fait que Clarke ne nous donne aucune explication, aucune clef, aucune morale à tirer de son film. Il se contente de filmer des faits, simplement, sans aucune musique, aucun dialogue, quasiment dans le silence le plus complet, avec uniquement le son diégétique de l'action.
Ce moyen métrage est au final très efficace, durant selon moi pile la bonne durée pour donner cette impression de banalisation de la violence (venant paradoxalement de son excès) sans que cela ne devienne réellement trop long. A la fois effrayant et dérangeant, il s'agit d'une parfaite représentation de l'horreur surgissant dans la banalité quotidienne.