En 2007, pour son premier album, le groupe MGMT fit l’effet d’une bombe dans le milieu de l’industrie musicale. Avec Oracular Spectacular, le groupe, anciennement connu sous le nom The Management, composé du duo Ben Goldwasser et d’Andrew VanWyngarden se révélait sur la scène mondiale de l’indie rock, de l’électronique et de la pop qui fait vibrer les oreilles, déhancher les corps et secouer la tête. Time to Pretend et Kids sont les morceaux cultes de cet album qui a laissé la trace d’un groupe à suivre de très près. Le reste de l’album était également très rythmé, très accessible au grand public grâce aux tonalités largement pop de titres comme Electric Feel ou The Youth. On les compare à Arctic Monkeys, mais MGMT arrive cependant à se créer une véritable identité grâce à ses clips vidéos particuliers, colorés et originaux qui déterminent l’image-même du groupe. Influencé par le style britannique et l’utilisation outrancière du synthétiseur, Oracular Spectacular est le premier succès pour un groupe qui prend le temps de réaliser son second album, trois ans plus tard. Congratulations se veut être une réponse à leur travail sur le précédent album. Félicitations à ce duo qui a su attirer un large public pour pouvoir concrétiser un second album plus personnel encore, plus psychédélique, plus expérimental qui étonne la presse et le public, en bien comme en mal. Le groupe a réussi à faire suivre une partie du public jusque-là peu habitué à ces sons envolés et ces textes aussi bien perchés et complexes que rieurs et perméables. Finalement, si l’album est relativement apprécié, beaucoup de monde ont abandonné le groupe parti dans un trip trop lointain pour comprendre les subtilités et les revendications de ses deux jeunes musiciens aux esprits enjoués et déconneurs (ils évoquent souvent des blagues, des idées folles ou leur amour pour les chatons). Alors que dire de ce troisième opus attendu impatiemment par la presse, surtout les Inrocks véritable vitrine marchande du groupe ? Et bien que ceux qui avaient persisté à croire que le groupe reviendrait aux origines de leur premier album avait tort.
MGMT nous avait menti depuis le début. Oracular Spectacular n’était qu’un album à vocation d’être reconnu sur la scène indépendante et critique musicale. Congratulations entend partir un peu plus loin dans les méandres des personnalités labyrinthiques de ces musiciens mais il en restait toujours des morceaux très pop, et très accessibles pour le public comme It’s Working, Flash Delirium ou Brian Eno. Mais avec ce troisième album, le groupe nous gratifie de leur album le plus personnel, le plus sur dimensionnel et le moins accessible de leur discographie. Le titre de l’album sonne déjà comme une revendication, celle de concrétiser enfin le style qui correspond le plus au groupe. MGMT devient enfin MGMT. Les deux précédents prédisposent seulement les bases et la réputation du groupe sur la scène musicale. Congratulations méritait quelques écoutes pour appréhender tout le génie du groupe d’un point de vue instrumental. Ici, si l’album ne vient que de paraître en ligne ou en téléchargement, MGMT requit davantage d’écoutes musicales pour apprécier les nouvelles subtilités du groupe qui se laissent souvent aller dans un écho électronique –cependant moins qu’à l’accoutumée- où les voix se perdent et le synthé reprend sa place habituel accompagné de cordes discrètes et d’une batterie impeccable aux percussions explosées. Les morceaux Alien Days, Mystery Disease, A Good Sadness correspondent parfaitement à cet apriori. Ces morceaux bien qu’appréciables risquent de perdre une très large audience de par la complexité de l’emploi des tonalités auditives et surtout de cette voix sans cesse divagante et sonnant comme une répétition de paroles balancées comme si le chanteur était sous un trip d’acides colorés dans l’espace et le temps. Une palette de sons hors-normes qu’on trouvera également dans des titres comme Cool Song No.2, Astro-Mancy ou I Love You Too, Death. Des morceaux qui emmènent encore plus l'auditeur dans cette dimension folle où réside les deux musiciens.
Il est assez difficile de décrire la sphère dans laquelle se situe le groupe. Chacun appréciera ou appréhendera leur univers à leur façon, mais il faut vraiment se donner à cet album qui demande une véritable attention et une certaine tolérance à cet esprit au dessus des poncifs actuels. Six morceaux sur dix sont donc assez peu facile d’accès tandis que d’autres morceaux risquent fort bien d’ajouter un certain rythme à vos soirées. Introspection, Your Life Is a Lie et Plenty of Girls in the Sea sont les morceaux au potentiel le plus approprié pour le public, plus formaté pour la radio. Rythmé, très pop, avec Andrew et sa voix presque divine, plus flottante que jamais. Your Life Is a Lie est d’ailleurs le titre le plus en avant, grâce à un rythme toujours aussi enjoué, un clip vidéo complètement barré et qui invite à la réflexion sur le monde qui nous entoure et nous laisse finalement perplexe sur un constat que l’on rejette et que l’on sait à la fois, notre vie est un mensonge. Dépressif sur le fond, carrément jovial sur la forme, il s’agit là du titre le plus excitant de l’album. Sur celui-ci comme sur les autres, il suffit de se pencher sur les textes pour deviner l’insouciance et la naïveté habituelles du groupe, marque de fabrique depuis Oracular Spectacular. Et pour autant certains titres vont chercher très loin dans l’imaginaire ou les mythes comme Alien Days ou Mystery Disease, voire Plenty of Girls in the Sea. L’album avait démarré sur un Alien Days qui envoyait l’auditeur directement dans une autre galaxie et il se conclue sur An Orphan of Fortune qui boucle la boucle, nous ayant fait passé une large panoplie d’émotions, de thématiques et d’appréciations relatives dans cette dimension aux sons envolés qui fait l’effet d’une consommation de drogues plus ou moins fortes.
Originalité absente ? Non, l’album est différent de Congratulations mais il va plus loin encore dans la personnalité de ce duo d’un autre univers, plus coloré et singulier que jamais. Un brouillard psychédélique où nombre de leurs premiers fans seront rebutés tant il se révèle épais. Mais tant mieux, il correspond parfaitement à l’image que le groupe s’est donné. S’ils n’ont jamais craché dans la soupe, ils ont toujours exprimé « ne jamais vouloir devenir un groupe du top 50 ». Du coup, on se dit que si l’album ne fera pas que des heureux, au moins il correspond parfaitement à l’identité que les deux compères mettent un point d’honneur à donner. Et un album aussi personnel, barré, farfelu et authentique en ces temps de vaches maigres, c’est plutôt rare pour être signalé. Et ça s’apprécie grandement, avec certes un arrière-goût de regret par rapport à Oracular Spectacular mais juste ce qu’il faut de talent et de minutie sur les instruments pour garder en tête l’histoire d’un troisième album intéressant et fascinant à réécouter. Si l’album MGMT semble être une nouvelle étape, et un point d’honneur pour le groupe, à perdre les tout-premiers fans, il faut voir le groupe comme ce qui se fait de plus novateur de la pop moderne et de la scène indie qui dérange car peu accessible. Un groupe libre qui se complaît à rester dans leur sphère. Un album qui découle parfaitement de leur discographie, fascinante à écouter dans son intégralité.