Simon Green est sans nul doute un routard, de ceux qui aiment la route pour l’imaginaire qu’elle confère, l’inspiration qu’elle apporte et les paysages qu’elle propose. Il était donc sensé que celui qu’on appelle Bonobo depuis 1999 consacre un album entier à cette forme de voyage qu’est la migration.
« Je pense que la migration est quelque chose d’innée chez chaque être vivant, elle confère au lien affectif des gens avec les paysages, l’horizon et l’ailleurs. Avec cet album, le plus personnel à mon sens, j’ai cherché à m’émanciper du jugement extérieur afin d’en livrer mon interprétation propre. Je voulais faire l’album dont j’avais envie. J’ai même mis de côté la cohésion que je cherche habituellement pour me livrer plus avant et parcourir au mieux cette idée de mouvement qui anime chaque chose.»
Pari réussi pour Simon qui livre avec cet album un travail léché et assez loin du trip-hop où on le connaissait. Place désormais aux longues nappes rêveuses.
« Ma musique a toujours été celle du mouvement, et même si je continue à beaucoup travailler avec des samples et des loops car j’aime replacer dans d’autres contextes des bribes de morceaux qui éveillent mes sens, j’ai cherché à convoquer le plus possible d’instruments véritables, que je joue moi même d’ailleurs.»
Le résultat est un album orienté dancefloor certes, qu’il a notamment testé lors de ses nombreux DJ sets autour du globe, mais dans la veine des influences plurielles du producteur, comme sur le dernier titre de l’album, Figures, faite d’un sample du Just an Excuse de la reine du blues Elkie Brooks, également utilisé par Moodymann sur son Why Do U Feel ou par le producteur néo-zélandais Tokyo Prose. Un sample de Pete Seeger sur Grains, un autre de Brandy Norwood sur Kerala, et cette façon propre à Bonobo de les utiliser telles des textures plutôt que comme de simples voix.
« Il est intéressant de voir une personne prendre une influence d'une partie du monde, se déplacer avec cette influence et affecter une autre partie du monde. Au fil du temps, l'identité de nouveaux lieux émerge.»
« La migration, c’est aussi l’étude des gens et des espaces.»
Et l’homme sait réellement de quoi il parle, la tournée pour son précédent album le prouve : cent soixante quinze concerts sur quatre continents et dans trente pays différents, devant environ, tenez vous bien, deux millions de spectateurs durant dix-huit mois. Pas étonnant que l’homme fut élu artiste ayant le plus voyagé en 2015.