J'ai le seum. Chester ne faisait pas plus partie de mes artistes favoris que Linkin Park de mes groupes préférés. Pourtant, à la lecture de la tragique news d'hier, le choc fut total, tandis que je descendais au sous-sol pendre du linge (notez la triste ironie d'apprendre la pendaison d'un artiste au moment de pendre du linge...) et lisais le commentaire d'un de mes potes partageant l'info «je sais pas si certains aiment ici», dans un groupe d'amis gamers, sur Whatsapp. Ben moi, j'aimais Linkin Park.
Très modérément, d'un point de vue artistique. Je n'ai jamais vraiment été dans cette mouvance néo-métal tandis que les singles d'Hybrid Theory puis de Meteora inondaient tour à tour les ondes radio. Oui, Numb, In the End ou même Breaking the Habit étaient bien sympatoches, mais à quelques exceptions près, nombre de titres sonnaient tout de même assez inoffensifs à mes portugaises (ensablées, penserez-vous peut-être).
Très beaucoup, d'un point de vue humain, j'y reviendrai. Puis un jour donc, Minutes to Midnight. Tiens ? Etait-ce parce que je n'étais pas un fan hardcore du groupe jusque là ? Je ne sais pas, toujours est-il que j'ai immédiatement adhéré à Bleed it Out, premier morceau entendu – avant même What I've Done, puis à l'album dans sa globalité, ce dernier prenant une direction résolument différente de ses (anti-dé)pré(dé)cesseurs. Plus posé, plus mature dans ces textes, les sonorités métalleuses et métalliques laissent place à un son plus feutré, mêlant claviers, clap et textes plus denses.
Dès le Wake d'introduction, on sent que la portée de l'album ne sera pas la même. Une sorte de montée orchestrale orchestrée afin de mieux envoyer Given Up, mêlant son riff et un Chester déjà enragé au coeur d'une rythmique entraînante. Mais le groupe calme rapidement le jeu avec Leave Out All the Rest, couplant rythme lent, sonorités pop et voix quasi-mielleuse du défunt leader, le tout entrecoupé par quelques sursauts de distorsion le temps du refrain.
Ce calme précède une nouvelle tempête, Bleed it Out, au titre évocateur, dans lequel l'artiste complet et notamment responsable de l'identité visuelle du groupe Mike Shinoda (je me serais bien permis un Shinoida s'il n'était pas d'origine Nippo-Américaine...) nous embarque à coups de grenades de son flot vers un refrain explosif hurlé par Bennington, le tout dans une ambiance que l'on pourrait qualifier de festive.
Shadow of the Day tranche de nouveau et nous propose un répit, c'est étonnamment lent et calme pour du LP, une vraie balade, mais merde «Sometimes goodbye's the only way», fuck off Chester quoi...What I've Done. Ben oui Chester, «What Have You Done» ? Hands Held High voit Magic Mike nous inviter à lever les mains au ciel dans un pur moment de communion, officiellement pour raisons politiques, mais pas aujourd'hui, tandis que No More Sorrow nous fait dire qu'étant données les circonstances, c'est plus facile à dire qu'à faire.
Valentine's Day sombre un peu dans le mélo et représente ce que j'aime le moins dans la galette. Mais, et je tiens à le signaler, il est très rare, comme beaucoup je pense, que j'apprécie 100% des morceaux présents sur un album, quel qu'il soit. Si Minutes to Midnight est inégal et s'éparpille un peu par moments, soufflant le chaud et le tiède, il a au moins le mérite de figurer dans cette catégorie d'exception. L'album se poursuit sur In Between, titre apaisant dans lequel Shinoda, également co-producteur de l'album avec un certain Rick Rubin, nous prouve que non seulement il sait chanter, mais en plus il possède un organe extrêmement agréable (à l'oreille ! Je précise pour dissiper tout malentendu).
C'est ensuite mon titre préféré qui déboule, In pieces, son clavier, sa rythmique et son staccato ayant rapidement eu raison de moi. Imparable. Enfin, The Little Things Give You Away, aux sonorités acoustiques, clôture avec douceur et amertume cet album, la chanson ayant été écrite semble-t-il, afin de critiquer la gestion catastrophique par l'administration Bush de la crise post-Katrina. Un disque décidément étonnant dans sa direction et son efficacité par la voie de la simplicité, sachant rester grave et incisif juste ce qu'il faut quand il le faut.
LP pour moi, c'est aussi cette tournée française Minutes to Midnight ultra light, et le privilège d'avoir pu assister à l'un des trois seuls concerts programmés dans l'hexagone. Les deux lieux étaient Paris (2 dates) et...Amnéville, "go figure" ! C'est à ce dernier que nous assistions avec Madame, convaincus de «passer une soirée sympa mais bon voilà quoi». Verdict: l'un des meilleurs lives auxquels il m'ait été donné d'assister (et j'ai pourtant eu la chance de voir quelques pièces de choix !). Le groupe nous honore d'un set très long, ils sont heureux d'être là et cette joie est extrêmement communicative (à l'inverse d'un Thirty Seconds to Mars, vus dans la même salle et dont je garde un souvenir plus que mitigé).
Des morceaux d'anthologie, démontrant l'aisance scénique de la bande californienne, et cette volonté de proposer une vraie plus-value par rapport à une simple écoute des titres comme si nous nous passions l'album - exercice auquel je goûte particulièrement en général. Un en particulier m'est resté en tête depuis, souvenir intact: Breaking the Habit, dans une version complètement recomposée pour la scène. Un bijou (désolé d'avance pour la qualité, c'est pas du ProShot !) En propre, même époque, version différente, mais elle permet de réaliser à quel point la voix de Chester est en place, qu'il hurle ou qu'il chante réellement. Impressionnant.
La drogue, l'alcool, les problèmes de santé, le récent suicide de son super pote Chris Cornell, dont il admettra ne jamais être en mesure de s'en remettre. Pourquoi ? Comment ? La date choisie par Chester est-elle le fruit du hasard ? L'ex chanteur de Soundgarden et Audioslave est né un 20 juillet. Saura-t-on un jour ? Toujours est-il qu'à 41 ans, Bennington laisse un gouffre au sein de ma génération, et pire encore, 6 enfants derrière lui. Passée la tristesse, c'est bien ce "détail" qui me piss off !