Au bord de la rupture, en pleine infructueuse tournée américaine, Damon Albarn se réfugie dans l’écoute d’une vieille K7 des Kinks. La vulgarité des yankees le révulse, l’Angleterre lui manque et son groupe partant déjà en sucette dès son premier album, le chanteur a besoin de retrouver ses racines.
De retour au bercail après cette tournée catastrophique faite de concerts minables, de beuveries finissant en bastons et avec en prime une dette maousse dans les compte du groupe, il confie ses désillusions et ses projets à ses comparses: revenir aux fondamentaux pop, abandonner l’indie bancal de Leisure et marcher sur les traces de Ray Davies et Paul Weller afin de raviver le drapeau british, en berne depuis la vague grunge. Blur reprend les choses à zéro.
Ragaillardi, le groupe compose une suite de chansons admirablement écrites et choisi Stephen Street, producteur des Smiths et de Morrissey, pour mettre tout ça en forme. Il érige un son poli, sans trop d’artifices afin de donner une patine retro intemporelle au groupe. L’ensemble est réussi. Modern Life Is Rubbish s’avère solide pour un album de complète remise en question.
Les traces shoe-gaze ont désormais quasiment disparu. Hormis quelques tics de productions occasionnels, seules l’agaçante "Pressure On Julian" et la très Stone Roses "Oily Water" versent encore de ce style. Le reste s’inscrit dans le renouveau voulu par le groupe. On retrouve cette écriture typiquement anglaise couplée à des paroles anglo-centrées, vignettes relatant le quotidien outre-manche. Tous les tics du genre sont présents: refrains sucrés ("For Tomorrow", "Chemical World"), incursions baroques ("Star Shaped"), ballades mélancoliques ("Blue Jeans") y compris les mélodies précieuses et théâtrales embarrassantes ("Sunday Sunday"). Blur réanime le cadavre de la britpop en prenant le relais des Smiths et des La’s (en excluant Suede, hors-catégorie).
Après la ballade blafarde "Miss America", le groupe se paie même le luxe d’aligner en fin d’album quatre petits chefs d’oeuvre annonciateurs d’une suite alléchante. La britpop est en marche.