C'est dans l'air du temps depuis quelques années, la culture de masse allait forcément en faire écho. Voilà donc la série "indignation" de Brian Michael Bendis. Loin d'un récit basé sur les idées détestables des néo-hippies bobos, le scénariste aborde le sujet frontalement en projetant une ado lambda dans un maelström d'ultra-violence.
Scarlet donc, dont le petit ami se fait brutalement éclater le crâne par un flic suite à un simple contrôle de papiers. Loin de s'accabler, la miss enquête et découvre rapidement un réseau de corruption gangrenant la police de Portland. Au lieu de suivre les procédures classiques Scarlet décide de se venger elle-même en traquant et tuant les flics les plus impliqués dans les détournement de fonds et la violence gratuite.
C'est là que la plume particulière de BMB entre en jeu en incorporant des faits de société récents à son récit. Les exécutions sont filmées et revendiquées en étant postées sur internet afin de dénoncer cette corruption mais surtout le laxisme total des autorités politiques face au problème. Un énorme imbroglio médiatique est ainsi échafaudé jusqu'à l'organisation d'une flash-mob via les réseaux sociaux afin de manifester l'indignation générale.
De bonnes idées mais malheureusement BMB ne développe pas assez le sujet et se contente d'aligner des séquences efficaces certes, mais sans aucune résonance politique ou sociale. Là où il aurait pu questionner ces nouveaux moyens de communication et de revendication ainsi que l'efficacité de leur impact sur les institutions politiques, médiatiques et policières traditionnelles, leurs effets retombent platement.
L'impression de lire une série sans aucun enjeu se fait donc rapidement ressentir et annihile tout plaisir d'attendre la suite et de réfléchir sur les évolutions sociétales abordées. Dommage, le sujet est pourtant vaste et encore très peu abordé dans la culture populaire. La fin ouverte laisse tout de même la place à un changement de ton ainsi qu'à une remise en perspective des sujets en les abordant d'une autre manière. A voir si cela sera plus pertinent...
On notera tout de même un parti pris narratif inhabituel: Scarlet adresse ses états d'âmes directement au lecteur. Procédé astucieux qui permet de poser certaines questions et d'évoquer une réflexion sur les décisions qu'elle doit prendre, son épopée étant bien sûr une succession d'événements plus ou moins improvisés.
Mais l'intérêt principal de Scarlet est le graphisme admirable d'Alex Maleev. Le travail sur les postures et les expressions est bluffant de réalisme malgré un trait brouillon. Les couleurs sont idéalement choisies ainsi que l'atmosphère des arrières plans souvent basés sur des photographies de Portland. Cela fait très longtemps qu'un dessinateur n'avait à ce point réussi à poser un univers graphique si classe.