Momentum
7.2
Momentum

Album de Joshua Redman (2005)

On imagine agréablement Joshua Redman comme un oncle conteur d’anecdotes totalement alléchantes, lui qui n’est jamais trop affable pour accueillir tous ses neveux. Ses histoires sont égrainées dans un caveau dont les murs sont constitués par les plus grands noms du jazz. Et pas que, puisque le tonton est un fanatique de musique. Pas seulement de la grille typique et du style du paternel Coltrane, mais de toute la musique, dans ses influences et ses échanges. Les styles ne servent qu’à étoffer la grande pièce à vivre de la maison-musique. La famille qu’il a convié pour la fête qu’il donne dans son impressionnant manoir musical, le temps de Momentum, restera à coups sûrs gravé dans les esprits.


Il est en effet des soirées immémoriales, où le temps s’arrête tout en filant à toute allure. Les émois commencent sur la charmante ode à bande inversée de Soundcheck, merveille de réalisation studio et de saxophone généreusement distillé. Et puis, déjà, les invités prennent place pour prêter main forte au leader familial : tout autant talentueux, la trompette de Nicholas Payton, les claviers de Sam Yahel et la basse de Meshell Ndegeocello virevoltent, fusent et rebondissent sur les murs. Sweet Nasty et Shut Your Mouth sont des valeurs sûres, laissant parler le déhancher du jeu de Joshua Redman. Son entourage lui permettant sans doute quelques largesses bien appréciables, l’Elastic Band reprend à son compte The Crunge, morceau led-zepellinien. L’ambition allant de pair avec une maîtrise instrumentale exemplaire, la reprise sonne terriblement, l’ensemble de cuivres parvenant à recouvrir la puissance de feu de la guitare de Jimmy Page. Le temps de cet hommage, comparable à celui de Lonely Woman, destiné pour sa part à Ornette Coleman, la bande oscille entre magnifiques morceaux veloutés, à l’instar de Blowing Changes, et d’expérimentales créations virtuoses, tel Put It in Your Pocket. Le manoir vrombit sous la chaleur de l’artillerie disposée sur scène : faut-il souligner les formidables parties du batteur Jeff Ballard, notamment sur Lonely Woman, du bassiste Flea, issu du groupe de funk-rock Red Hot Chili Peppers, ou encore les performances des guitaristes Jeff Parker ou Peter Bernstein le long de l’album. Alors que le jazz est déjà à un niveau paroxystique de goût et de technicité, l’inventivité ne s’arrêtant guère le bord de cette frontière, les envolées offertes par Joshua Redman et son gang entrouvrent des territoires musicaux inspirants, permises par l’utilisation d’effets massives et par la liberté mélodique de géniaux musiciens aux différentes influences.


Reflet de la fantasque réunion familiale, la soirée tint toutes ses promesses. Empreinte d’une volonté immodérée d’explorer la musique, corps et âme, Joshua Redman et son Elastic band ont mis le feu aux poudres, au risque de faire exploser le manoir. Et puis, c’est tant mieux, tout le monde aura littéralement vent de quelques moments de ce Momentum, et finalement, plus on est de fous, plus on rit, n’est-ce pas Joshua ?

Débruit
8
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le 11 juil. 2018

Critique lue 53 fois

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