Monkey Me par Alexleserveur
Etrange surprise que ce nouvel album de Mylène Farmer. N'ayant pas vraiment apprécié Bleu Noir, j'étais plutôt content de savoir que Laurent Boutonnat revenait à la composition. Plutôt content, mais également un peu craintif, parce que je n'ai pas oublié Du Temps et Be me, qui me sont restés un peu en travers des oreilles. Néanmoins, je continuais à espérer qu'il ait retrouvé son inspiration et son sens de la mélodie. Les textes de Farmer, je ne suis pas vraiment objectif : j'ai toujours aimé son sens de l'euphonie. Après la première, deuxième, troisième écoute, qu'en est-il ?
Déjà, il faut s'habituer à l' "obscure clarté" de l'album. Mylène Farmer ne nous avait pas habitué à des sonorités aussi aérienne et à une voix aussi envolée, malgré la composante très électro de l'album. Il s'en dégage une atmosphère lumineuse, à des années (lumière) de Point de Suture, pourtant souvent cité comme "brouillon" de Monkey Me. Je dirais plutôt que Monkey Me est le reflet de Point de Suture : son exact pendant inverse, plus léger, moins sombre. Si Point de Suture semblait apporter un point final à tous les albums précédents de Farmer en s'inspirant de chacun d'entre eux et ressemblait finalement à une sorte d'album choral, Monkey Me donne davantage l'impression d'être une pièce unique et cohérente (malgré les titres moins forts), à la façon d'Avant que l'ombre et Innamoramento.
Un album plutôt "gai", finalement, pour une artiste souvent dépeinte (à tort) comme profondément dépressive et glauque. Et pourtant, lorsque l'on se penche sur les textes, on retrouve les thèmes forts et sombres de Mylène Farmer, mais plus dans l'acceptation, avec un brin de je-m'en-foutisme lorsqu'il s'agit du "bruit et des sarcasmes". Un mouvement d'élévation que l'on pouvait pressentir dans des titres comme Bleu Noir ou C'est une belle journée, par exemple. La Mylène de Fuck them all ou de C'est dans l'air semble donc apaisée. Disons que tout semble être dit, chanté avec le sourire, même la mort, la disparition, la tristesse, la solitude. "L'album de la maturité spirituelle", dirons-nous.
Dans l'ensemble, cet album me plaît, mais moins qu'un album plus sombre et plus théâtral comme Avant que l'ombre ou Innamoramento. Depuis l'album Bleu Noir et ses photographies "au naturel", Mylène Farmer semble vouloir se rapprocher de son public, au détriment de la magie et de la majesté. Cela plaira sûrement à certains, même si moi je reste très attaché à la Mylène sorcière, démon, succube castrateur. Heureusement, on retrouve cette noirceur et cette folie dans un titre et un seul sur Monkey Me : Nuit d'hiver. Dans la veine de Psychiatric ou La Ronde triste, cette piste offre une ambiance sombre et folle rappelant le Tour 89, avec quelques paroles chantées issues de Chloé. L'introduction idéale pour la tournée Timeless, assurément, offrant un lien direct avec le premier album de Farmer.
D'une manière générale, malgré le côté électro, on retrouve des sonorités un peu vintage typiquement Boutonnat, même si les lignes mélodiques sont beaucoup moins précises, ce qui est étonnant lorsque l'on connaît le compositeur. Pas véritablement d'hymne à la Désenchantée ou C'est dans l'air, mais il est certain que les titres prendront toute leur ampleur sur la scène. On sent également la volonté de Mylène Farmer de mettre plus en avant sa voix, comme pour Bleu Noir. Même si l'on retrouve les notes suraiguës chères à la chanteuse, on n'a plus vraiment besoin du livret pour comprendre ses paroles.
Si Mylène Farmer a souvent parlé d'elle et de ses expériences dans ses chansons, Monkey Me semble être l'album où elle se confie le plus, avec plus de proximité, ou tout du moins de complicité avec son auditoire. Il se dégage des textes une impression de "juste moi (Mylène) et vous (le public), en dehors des autres". L'ouverture avec Elle a dit est une autobio foutrement bien pensée. Une véritable entrée en matière un poil ironique, musicalement hyper efficace, mon gros coup de coeur assurément. A l'ombre prend quant à lui toute sa dimension au coeur de l'album (bien plus convaincant qu'en single), le pont saxo sexy de Monkey Me sera d'une puissance phénoménale lors des concerts, et la rythmique basique de Tu ne le dis pas a tout du hit. Les quatre premières chansons sont vraiment les petits bijoux de l'album, avec une vraie couleur et une délicieuse cohérence.
Love Dance, dont le titre a effrayé plus d'un fan, est probablement le point faible de l'album. Très mal placé, vu qu'il occupe quasiment la place centrale. Chanson sympathique mais manquant vraiment d'ampleur donnant l'impression d'écouter une piste B. Vient ensuite Quand, ballade farmerienne typique, avec un chant langoureux, très émouvante, mais toujours dans l'apaisement et le sourire. Et, encore une fois, un saxo qui fait rêver. Avant le retour aux choses sérieuses, J'ai essayé de vivre et sa guitare saturée que n'aurait pas renié Anamorphosée. Là encore, un pont très efficace. Ici-bas est un titre étonnament agréable à chanter, aussi aérien que coulant, terriblement joyeux malgré les paroles.
Avec A-t-on jamais, on a droit à une belle mélodie, mais malheureusement un manque d'ampleur dans le refrain qui me rappelle Réveiller le monde. Typiquement le genre de titre qu'il ne faut pas placer en concert. Vient ensuite l'hallucinatoire Nuit d'hiver, déjà mentionné. J'imagine que Mylène Farmer en a marre qu'on la prenne pour une folle dépressive, mais il faut reconnaître à Boutonnat un véritable talent à mettre la folie en musique. Cette noirceur élégante, très charnelle, est un pur plaisir, et c'est exactement ce qui me plaît. Pour moi, il s'agit de la couleur à donner à Timeless, et probablement une voie à ré-explorer pour le prochain album.
A force de, onzième titre, possède un refrain puissant dans la voix et dans les instruments et sent également la scène. On est par contre forcément moins fan des couplets hyper vocodés. Et enfin, Je te dis tout, autre ballade très sobre, très jolie, et pour le coup très triste mais très déterminée. Une chanson magnifique où l'on se régale avec les nuances de la voix de Farmer. Idéale pour faire l'amour.
Un album aux couleurs donc assez inhabituelles, forcément plus cohérent que Bleu Noir et ses trois compositeurs, malheureusement moins fou que Point de Suture, plus up tempo mais moins grandiloquent qu'Avant que l'ombre, plus gai qu'Innamoramento, moins mélodique qu'Anamorphosée, plus serein que L'autre, moins calibré qu'Ainsi soit Je, moins torturé que Cendres de Lune. Peu de ballades (le répertoire de la chanteuse en fourmille déjà), pas d'hymne capable de faire se lever le monde qui se dégage, mais un voyage agréable dans un univers différent qui, et je crois que tout le monde sera d'accord sur ce point, se révélera complètement pour Timeless. En espérant que Mylène Farmer et Laurent Boutonnat ose retailler leurs bijoux précédents, dont les vieux morceaux, à la façon de Chloé muée en Nuit d'hiver.
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