En 2016, alors que sa période la plus créative est derrière lui, et qu'il affronte un désintérêt général envers son travail, il me semble que suivre - et aimer - Jean-Louis Murat n'a jamais été aussi pertinent. Un paradoxe ? Peut-être, d'autant que "Morituri", comme son prédécesseur, "Babel" rate le niveau d'excellence absolue que le talent - intact après une trentaine d'années inspirées - de Murat nous permettait d'espérer. Cette fois-ci, alors que le groupe qui l'accompagne est brillant et la production de l'album inspirée - envoûtante même souvent -, ce sont les chansons qui ne sont pas toujours au rendez-vous : pour quelques nouveaux joyaux ("Frankie", "Morituri", le superbe "Le Cafard"...) qui viennent s'ajouter à une discographie déjà impressionnante, on doit cheminer à travers plusieurs chansons faiblardes, qui ne tiennent souvent qu'à la sensualité élégante du chant de Murat. On regrettera aussi que l'horreur terroriste de 2015, qui a partiellement inspiré l'album, n'ait pas poussé Murat à sortir de son habituelle licence poétique et à déverser dans au moins un ou deux morceaux un peu du fiel et de la méchanceté qui abreuvent souvent ses déclarations à la presse. Malgré ces réserves, "Morituri" deviendra certainement l'un de nos disques de chevet de 2016, et nous permettra de tenir quelques années de plus avant de sombrer nous-même dans le cynisme et la désillusion, tant il est vrai que, oui, la poésie soulage l'âme. [Critique écrite en 2016]