Morningrise par Benoit Baylé
Lorsque paraît Orchid en 1995, tout Morningrise est déjà prémédité par Mikael Akerfeldt. Il aura fallu plus de cinq ans aux membres d’Opeth pour permettre la sortie du premier effort, il leur en faudra à peine un pour le deuxième. Et pour cause : Morningrise est la suite logique d’Orchid.
Pour entrer directement dans le vif du sujet, cet album a pour principal défaut le manque de recul par rapport au précédent. La production est à très peu de choses près la même, les passages acoustiques s’enchaînent mal avec les passages plus violents et emprunts de diverses distorsions. Le growl d’Akerfeldt est toujours aussi abyssal, mais n’est pas relevé par la production.
Pour faire simple, et au risque de recevoir quelques critiques haineuses : tout ceci manque clairement de pop. A la pop, Morningrise pourrait emprunter une simplicité dans les thèmes afin de les rendre plus mémorables, mais aussi des lignes de chant claires plus poussives et personnelles, moins ancrées dans un esprit gothique déjà dépassé. Mais toutes ces considérations négatives se résorbent peu à peu au fil des écoutes. Certes, cette seconde cuvée touche en priorité les amateurs chevronnés de Black et de Death metal, au choix selon les moments, mais certains passages acoustiques relèvent presque du divin appréciable par l’auditeur lambda.
Johan DeFarfalla et sa basse sautillante, omniprésents, apportent une touche groovy digne d'un Bill Bruford métallique. Le jeu de guitare s’approfondit et s’affine avec le temps. Les arpèges sont plus incisifs, ils témoignent d’une profondeur de champ flagrante : l’univers d’Opeth tel qu’il le sera dans les années à venir se dessine progressivement, laissant apparaître une mélancolie moins lyrique et plus réaliste, alors même que les ambitions d’Akerfeldt semblent, elles, de moins en moins réalistes, du moins en termes de composition…
En témoigne la longue suite « Black Rose Immortal » qui pêche justement par sa longueur (20 minutes) mais pas seulement : accompagnée d’un manque de variété dans les arrangements instrumentaux, le tout perd du charme progressif qu’elle pouvait au premier abord distiller. Les dernières minutes apportent cependant une certaine intensité à l’œuvre et permettent de lancer avec aplomb « To Bid You Farewell », la dernière et meilleure chanson de ce recueil.
Celle –ci définit clairement ce qui fut déjà évoqué précédemment : le son Opeth, celui de Still Life, Blackwater Park et Damnation entre autres, naît au cours de ces 10 minutes épiques, dénuées de growl, aux distorsions contrôlées, jamais hors de propos. Enfin. Ils sont lâchés.