Morrison Hotel
7.8
Morrison Hotel

Album de The Doors (1970)

Après l'étrange parade perdue, trois musiciens soumis à l'indéfectible problème du leader déjà parti ailleurs mentalement, se demandent quoi faire planer après la mort des Sixties. Quel est finalement leur genre liant ? Maintenant que l'âge d'or des drogues Californiennes semble se tasser, que les idéologies Hippies deviennent caricatures, que jouer à l'Américaine ? Du blues ? Oui, pourquoi pas. C'est ce qui semble correspondre au tournant de la voix de Jim Morrison, en tout cas. Lui que la bière inhibe de partout. Cet album, "Morrison Hotel" (qui donc n'a rien à voir avec le chanteur, existant même bien avant la création du groupe), sera vu comme leur come-back. Pourtant, je préfère son prédécesseur, ce disque constituant donc l'opus que j'aime le moins chez les Doors (même si ça reste bien sûr de la haute volée). Pourquoi ?
Déjà, Morrison était parti mentalement, à Paris, à Pétaouchnok, mais plus auprès des Doors. Et le laisser-aller au niveau des textes se ressent bien. Le signe le plus édifiant est celui pour "Queen of Highway" : American boy, American girl / Most beautiful people in the world! C'est tellement bête et simple que la traduction remonte au niveau de Moyenne-Section (la preuve j'ai réussi à traduire). Ensuite, je trouve que le blues, dans sa forme la plus "traditionnelle" comme sur ce disque, n'a pas l'air de leur sied complètement : presque tous les morceaux partent d'un riff, qui se répète, et que tous les apparats d'arrangements ne parviennent pas forcément à cacher. Leurs mélodies sont efficaces, seulement on finit par reconnaitre qu'il y a une roue en chacune d'elle qui fait tourner la boutique... Enfin, et surtout : "The Soft Parade", avec toutes les critiques qu'on peut lui faire, légitimes ou non, avait un monde à lui, une personnalité qui faisait qu'on écoutait un album complexe avec des morceaux plus particuliers que d'autres, la plupart "commentables". Pour "Morrison Hotel", les morceaux sont très bons, mais ils sont tous dans le même état d'esprit, à l'exception d'"Indian Summer", qui détient alors ma palme pour l'album. Je le trouve trop uniforme, voilà ; ça peut paraitre stupide, mais je suis attaché à la notion d'album, chaque morceau doit constituer pour moi comme une séquence de film, différente tout en étant cohérente. Avec "Morrison Hotel" c'est comme un plan-séquence dans un bar qui durerait 40 minutes. Ca peut être cool, et ça l'est ; mais je préfère un "Mulholland Drive" à "Victoria", si vous voyez ce que je veux dire. D'autant plus que tous les autres albums des Doors sont effectivement plus dans la première catégorie, ce qui est impressionnant au vu de leurs productions et de leur rythme.
Parce que "Morrison Hotel" reste une réussite ! L'interprétation de Morrison a conservé son intensité, malgré les excès devenant audibles, et qui atteint parfois des vraies transfigurations comme sur "Waiting for the sun" (comme leur troisième album, oui oui ; elle a dû être enregistrée à l'époque, en tout cas la voix du chanteur semble être davantage issue de ces sessions). Les trois musiciens, assistés parfois d'un harmoniciste et d'un autre bassiste, semblent avoir toujours joué du blues, malgré leurs initiations musicales toutes très hétéroclites. Il se passe clairement un vent désertique, très Américain, sur tout l'album, et dont l'ambiance collerait parfaitement à une certaine "American Prayer"... "Land Ho !" pourrait être entonné dans un bar perdu au-milieu de nulle part, "Peace Frog" est un classique qui sait rester en tête, et bien sûr "Roadhouse Blues" sait mettre l'ambiance comme il faut. C'est un disque globalement vraiment classe, qui sait héberger les talents, le temps d'une nuit où les rêves peuvent redevenir des Majestés.
Mais cette résurrection, au tonus des espérances, ne peut durer qu'une nuit. Morrison pense déjà à quitter l'hôtel un matin. Tout le monde, Bill Sidons leur manager le premier, commence à être fatigué par ces étoiles qui n'éclairent plus de route stable. Il ne reste qu'une année à vivre pour le Dionysos de la Musique.

Billy98
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs albums des Doors

Créée

le 17 nov. 2021

Critique lue 100 fois

8 j'aime

5 commentaires

Billy98

Écrit par

Critique lue 100 fois

8
5

D'autres avis sur Morrison Hotel

Morrison Hotel
Hypérion
9

Hard Rock Cafe

Morrison Hotel, cinquième album studio des Doors, est celui de la réconciliation entre les membres du groupe, après le pour le moins particulier The Soft Parade enregistré dans des conditions...

le 21 déc. 2011

20 j'aime

2

Morrison Hotel
EricDebarnot
9

Eté adolescent

Il faut une idole aux adolescents de toutes les époques, et Jim Morrison en reste l'archétype: beau, doué et mort. Quant à moi, j'ai toujours préféré ce disque de blues ensoleillé à tous les rituels...

le 26 févr. 2015

13 j'aime

1

Morrison Hotel
Billy98
7

L'autel des rêves déchus

Après l'étrange parade perdue, trois musiciens soumis à l'indéfectible problème du leader déjà parti ailleurs mentalement, se demandent quoi faire planer après la mort des Sixties. Quel est...

le 17 nov. 2021

8 j'aime

5

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Billy98
10

MA BIBLE

Mon film préféré. La plus grosse claque artistique de ma vie. Une influence dans ma vie. Un éternel compagnon de route. Le cinéma à l'état pur et au summum. Oui, vraiment ma Bible à moi. Je connais...

le 21 juin 2016

29 j'aime

12

Lulu
Billy98
10

Jamais été aussi désespéré, et jamais été aussi beau (attention: pavé)

Le Manifeste... Projet débuté par un court-métrage majestueux, accentué de poèmes en prose envoyés par satellite, entretenant le mystère, son but semble vraiment de dire: prenons notre temps pour...

le 15 mars 2017

27 j'aime

10

The Voice : La Plus Belle Voix
Billy98
2

Le mensonge

Je ne reproche pas à cette émission d'être une grosse production TF1. Après tout, les paillettes attirent les audiences, et plus les audiences augmentent plus les attentes montent, c'est normal. Je...

le 17 févr. 2018

20 j'aime

7