En 1982, James Horner venait tout juste d'être propulsé parmi les compositeurs les plus prisés de Hollywood grâce à une fabuleuse partition qu'il venait de composer pour Star Trek II. Lorsque Columbia Pictures qui vient de terminer la production de Krull, un film mêlant fantastique et science-fiction, doit choisir le compositeur, son choix se fait naturellement sur James Horner. L'un des arguments est alors probablement le fait que le jeune Horner est beaucoup moins cher qu'un John Williams ou un Jerry Goldsmith.
Le score qui découle de cette collaboration est bel et bien l'une des meilleurs partition jamais écrite pour un film, toute période confondue.


L'album s'ouvre par "Krull Main Title And Colwyn's Arrival", un titre qui montre toute la magnificence de ce score. Il s'agit d'un titre EPIQUE dans le sens le plus noble du terme. Le morceau commence dans les graves. des voix féminines dans les aigües contrebalancent l'introduction. Puis viennent les trompettes qui sonnent comme un film de "cape et d'épée" des années 40. L'ombre de Korngold n'est pas loin. Les violons entrent en scène en saccades très aigües qui rappellent étrangement le score de Harry Potter (qui ne sera composé que 20 ans plus tard par le grand John Williams). La mélodie somptueuse des cordes (toujours mais dans un ton plus bas) prend son envole. Il s'agit du premier thème du film. Une mélodie instantanée, imparable. Le titre se termine dans un registre plus sombre mais tout autant maitrisé. Une noirceur qu'on retrouvera plus tard dans l'album.
Ce premier titre ouvre la voie à une pléiade de titres véritablement inspirés. Une maitrise technique qui ne faiblit jamais tout au long du score.


L'autre épine dorsale de cette partition est l'incroyable et sensationnel "Ride of the Firemares" – un morceau qui explose instantanément à nos oreilles, reprenant le fameux thème principal spectaculaire. Il enchaine des cordes jouant dans les graves, un appel de clairon à la trompète, construisant ainsi une vibrante fanfare qui introduit un passage plus sombre alors que le thème central est joué tambour battant. La musique d'un film n'a que rarement été aussi exaltante.


"The Slayers Attack" introduit un autre thème, celui de l'amour cette fois et est particulièrement réussi, une mélodie sublime qui est brutalement coupé par une partie bien plus violente (quand le mariage des protagonistes est attaqué par des aliens). Horner annonce leur arrivée avec une descente de sons synthétiques qui s'inspire clairement de Korngold, comme si le réalisateur Peter Yates avait souhaité faire les aventures spatiales de Robin des Bois... Les deux styles passent de l'un à l'autre tout au long de ce long morceau de 9 minutes. Il est intéressant de préciser que ce thème des deux héros a été réenregistré spécifiquement pour l'album dans le titre au nom évocateur: "Colwyn And Lyssa Love Theme". Une superbe interprétation Live de plus de 2 minutes.


"The Widow’s Web" prend à contrepied l'auditeur en utilisant l'orchestre de façon atonal et atmosphérique. Le résultat est tout simplement épatant et particulièrement sombre. Encore une fois, la maitrise technique du (alors jeune) compositeur est véritablement bluffante et spectaculaire. Le subtil mélange de chœurs et d'orchestre dans une cacophonie maitrisée est splendide.


Il serait difficile d'évoquer tous les titres tant ils sont nombreux et toujours inspirés. Le plus étonnant c'est qu'ils sont vraiment tous différents et apportent chacun leur pierre à l'édifice.
Cependant, je ne peux pas ne pas évoquer La montée en puissance à la trompette de "Quest For The Glaive" qui enchaîne sur le thème central entendu dans le titre ouvrant l'album. Ou bien L'atmosphère magique que Horner réussit à distiller de façon vraiment subtile avec des nappes de synthé et de cordes dans "The Walk To The Seer's Cave".
Il y a également la noirceur absolue de "The Seer's Vision" qui fait montre d'un savoir faire vraiment incroyable. Ou bien la beauté d'un morceau comme "The Widow's Lullaby" qui apporte une émotion à fleur de peau comme James Horner sait si bien le faire.
Enfin "Epilogue And End Title" clôt de façon classique l'album en reprenant les thèmes principaux dans une très belle orchestration.


Krull a eu le privilège d'être édité à de nombreuses reprises depuis sa sortie. En 1987, Southern Cross sort un LP de 45 minutes (avec les titres qui se trouvent sur la fiche de Sens critique); 5 ans plus tard, ce même label sort en CD une version rallongée du score (79 minutes). En 1998, Super Tracks édite le score complet remasterisé dans un double album de 93 minutes. Cet album restera pendant longtemps la référence de cette partition jusqu'à ce que La-La Land sorte une quatrième édition qui rajoute quelques titres bonus pour atteindre 100 minutes.


Je dirais pour conclure que l'écoute de la partition de Krull doit être considérée comme l'une des expériences les plus vivifiantes de l'Histoire de la musique de film. Elle se hisse aux côtés des autres chefs d'œuvre du compositeur, au pinacle des œuvres de James Horner, et Dieu sait si l'homme en a composé de fantastiques. Il s'agit ici d'un véritable coup de génie qui doit avoir sa place dans toute collection de musique de films qui se respecte. Elle renferme ce qui pour moi est l'essence d'une partition de film: de l'émotion, de l'exaltation, de l'aventure et du drame. Et tout cela dans une composition à la technique des plus spectaculaires. Quand on pense que James Horner n'avait que 28 ans quand il s'est tenu à son pupitre devant le London Symphony Orchestra pour diriger sa musique... Un chef d'œuvre absolu... Un de plus

evolution999
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le 20 sept. 2015

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