Virage allemand

Mutter, le troisième album de Rammstein, celui du virage à 90° qui marquera brutalement et à jamais la carrière du groupe allemand. Après deux albums ayant mis en avant un métal industriel et brutal, le groupe se tourne vers un métal plus grand public, commercial même, avouons le. Ici, c'est un métal plus facile d'accès, qui cependant perd rien en grandiloquence et en puissance. Cependant, ce que nous perdons en industriel nous le regagnons en une sorte de nouveau son métal, avec un poil éléctro, certes, toujours agressif et lent, rythmé de manière répétitif mais plus moderne. Comme une Allemagne débarrassé du mur de Berlin. Les deux premiers albums semblaient portés l'héritage de la guerre froide, celui-ci est clairement l'amorce vers ce nouveau millénaire que Rammstein inaugure avec beauté.

Le groupe ne vas pas hésiter à mettre d'avantage les guitares en avant, les samples et synthés se font plus discrets bien que toujours présents. Le chant également devient moins mécanique. En bref, c'est une agressivité plus naturelle et habituelle qui s'offre au public. Plus humaine aussi quelque part. Bien entendu, on aura le droit à quelques ballade (Mutter en tête), mais aussi de nombreux morceaux bien violent (Zwitter, Feuer Frei, Links 2-3-4).
Les thèmes ne sont peut être plus aussi soignés que pour Sehnsucht mais toujours très réfléchis par rapport au commun des mortels. Amour, match de boxe (Sonne), hermaphrodisme (Zwitter), les armes (Feuer Frei) et le sexe (Rein Raus) sont bien au programme. Mais quelques remarques plus intéressantes se voient aussi. Ich Will peint ainsi la difficile relation entre un groupe à succès et son public. Links 2-3-4, quant à lui remet en lumière le fait que Rammstein fut dit d'extrême-droite alors qu'ils se revendiquent comme plutôt inclinés à gauche. Je vois dans cela une tentative de s'expliquer, de se faire comprendre. Face à un succès qu'ils n'avaient pas prévus, les 6 allemands doivent tenter de dire qui ils sont à leur public. Le tout sans oublier les métaphores et le second degrés par moment. La plume de Till Lindemann est toujours aussi belle et une fois encore nous avons des textes d'une rare intensité.

Si certaines personnes peuvent regretter l'orientation prise par Rammstein avec cet album et qu'on peut comprendre la nostalgie d'un métal pleinement industriel, force est de constater que Mutter est un album ne contenant aucun mauvais morceau, nul remplissage, ici tout est bon, rien n'est à jeter. Pas étonnant que plus de 10 ans après sa sortie, Mein Herz Brennt ait enfin eu le droit à son clip.
Un tournant pour ce groupe, un moment magique pour la musique.