Le rock alternatif n’existe plus ou du moins, il s’est liquéfié à force de se banaliser. L’indie rock a vite pris sa place avant qu’il ne perdre ses plumes, à son tour, au point de devenir une étiquette qui n’a d’indépendant que le nom. Quand on sait que Wolf Alice a, en plus, été découvert par le NME, magazine au passé glorieux détrôné par Pitchfork dans la catégorie du media musical branché, on devine sur quoi on va tomber : un rock qui regarde dans le rétroviseur. Néanmoins, est-ce bien raisonnable de leur reprocher ça ?
Ce groupe avait déjà balancé plusieurs EPs quelques années avant la sortie de ce premier album. Des disques qui révélaient leur plus grand fantasme : mettre Nirvana et Cocteau Twins (voire Lush) dans la même musique. Un mélange à l’originalité nulle mais fait avec un talent formidable. Il fallait entendre la voix diaphane d’Ellie Rowsell qui filtrait entre les gigantesques riffs de ses compères… Quand elle n’essayait pas d’hausser le ton à son tour ou dans ses moments les plus crémeux révélant un talent d’interprète tout simplement bluffant.
My Love Is Cool a un seul tort contre lui, c’est de sortir trop tard pour surfer sur un début d’enthousiasme provoqué par leurs premiers jets. Surtout que sa construction est déconcertante. Des rêveries dream pop (le délicieux « Turn To Dust »), du rock grungy (« You're A Germ » ou « Fluffy » avec son riff étrangement familier) quand ce n’est pas de la jangle pop rappelant les belles heures de l’indie pop des années 1980 (« Bros »). La bande joue sur beaucoup de tableaux différents au risque d’égarer son auditoire et c’est ce qui s’est passé. Combien de fois ai-je souvent lu qu’elle manquait d’identité à cause de la trop grande variété de sa musique ? On croirait rêver… Pourquoi ne pas faire un reproche similaire au Mellon Collie and the Infinite Sadness des Smashing Pumpkins pendant qu’on y est ?
S’il y a bien un aspect qui définit un genre aussi vague que le rock alternatif, c’est d’être un style jonglant avec des influences inhabituelles pour les fusionner. Se jouer des chapelles pour construire un son sans équivalent. D'autant plus que Wolf Alice est convaincant dans tous les registres qu’il explore, même dans ceux avec lesquels il n’a jamais fricoté (le presque électropop « Freazy » ou cette sorte de trip hop shoegaze qu’est « Soapy Water »). Leur musique est familière sans évoquer de groupe précis. Ce qui est éloquent.
La seule critique légitime qu’on pourrait leur adresser, c’est le choix discutable de Mike Crossey en tant que producteur (qui s’est occupé, entre autre, de Keane et des Arctic Monkeys…). Le son est un peu lisse, au point que les morceaux les plus punky peuvent laisser sur leur faim malgré leur grande qualité d’écriture (les mélodies et les riffs sont inspirés car très accrocheurs). Un reproche qui s’estompe rapidement lorsque le quatuor prend une tangente plus sophistiquée et éthérée comme sur le captivant « Silk », voire les exceptionnels « Your Loves Whore » et « Swallowtail » (pourtant la seule chanson non chantée par Ellie Rowsell) atteignant chacun un climax à faire frissonner toute personne à la recherche d’une musique transcendant à la fois le cœur et l’âme.
Dans une époque où on peut facilement dissimuler ses carences d’écritures sous les nouvelles technologies sous prétexte d’expérimentation, Wolf Alice choisit la sécurité tout en veillant à se forger une identité. Parce qu’on aura beau répéter que leur musique n’est pas innovante et qu’elle aurait très bien pu sortir en 1995, ils ont tout de même composé un des meilleurs disques de l’année. Le genre de sortie qu’on réécoutera toujours avec beaucoup de plaisir dans dix ans. Finalement, c’est bien ça le plus important.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.