Ca ne prend que moyennement

Il n’est plus nécessaire de présenter Jacques Brel, tout individu francophone ayant un minimum de culture a déjà entendu parler de Brel ou a déjà entendu une de ses chansons au moins. Nous n’allons donc pas nous lancer dans de sempiternelles louanges de l’artiste, son talent n’étant plus à prouver.

J’aime donc Brel, cependant cet album-ci est celui que j’apprécie le moins dans sa discographie. Cela est certainement dû au fait qu’il s’agisse d’un album entièrement constitué de réorchestrations de quelques unes de ses plus anciennes chansons. Et déjà, pour commencer, les premières années de l’artiste ne correspondent pas à la période que je préfère dans son répertoire. Ça ne m’empêche quand même pas d’apprécier pas mal de ses créations de l’époque, comme "La Bastille", "La foire", "Demain l’on se marie", "Le moribond", "J’en appelle" et autres "Ne me quitte pas" et "Quand on a que l’amour".

Malheureusement, force est de constater que la majorité des chansons qui ont été choisies pour composer cet album ne font pas partie de celles que j’apprécie le plus, à l’image de "Marieke" qui est une chanson avec laquelle j’ai du mal de base, peut-être à cause de cette partie chantée en flamand, je ne sais pas, ou encore "Les flamandes" qui a tendance à m’ennuyer un peu. En dehors de ça, et d’un point de vue moins affectif, je pense qu’il ne s’agit pas des meilleures compositions de Brel et que d’autres chansons écrites durant ses débuts auraient été de meilleurs choix concernant une possible réorchestration.

Ce qui me permet de parler justement du cœur de l’album : la réorchestration des titres. Eh bien hormis "Ne me quitte pas" que je trouve plus réussi que l’original, toutes les autres chansons sont pour moi, bien inférieures à leurs originales. Il n’y a pas la même poésie, la même beauté musicale que l’on trouvait dans ces premières interprétations. On sent complètement planer ces sonorités du début des années 70 (contre lesquelles je n’ai rien à reprocher habituellement) et ça se ressent d’ailleurs tout particulièrement dans "Le moribond" par exemple, avec ces petits accords de guitare qui claquent qui sont caractéristiques. Certainement que le but était de reconquérir le public jeune de cette époque, mais pour moi ça ne marche pas, j’ai vraiment l’impression à l’écoute que ça ne colle pas, qu’il y a un problème.

L’un des problèmes d’ailleurs, concerne peut-être malheureusement – et ça me fait mal de le dire – l’interprétation de Brel en elle-même. On n’a pas l’impression de sentir sa foi en ce qu’il chante, on n’a pas l’impression de retrouver la même énergie qu’avant, ni même ce petit grain de folie qu’il pouvait avoir. J’ai la désagréable sensation parfois de l’entendre chanter pour se débarrasser de cette obligation de contrat qui l’obligeait à sortir un album chaque année, et, se rappelant qu’il avait un retard de 3 ans, a décidé de ne pas se compliquer la tâche, et c’est ce qu’il s’est vraiment passé je pense.

En définitif, un album qui passe quand même, mais qui reste en dessous globalement par rapport au reste. "Ne me quitte pas" reste le moment fort du disque et pour ce qui est des autres chansons, si l’on connait les premières versions, on peut aisément se passer de celles-ci. Pour avoir écouté l’entièreté de sa discographie, il vaudrait mieux, de préférence, se tourner vers les autres albums ou même des best of à la rigueur.