Aujourd'hui ça paraît normal qu'il existe du Death Metal mélodique. On pense à In Flames, Avatar, Amon Amarth et Arch Enemy comme si ils avaient toujours été là, alors qu'ils sortent bien de quelque part ! Rappelons qu'à la base, le Death Metal se veut comme étant la forme la plus brutale, sale et provocatrice du Metal, alors comment peut-on l'imaginer mélodique ? Eh bien on peut remercier des Liverpool pour avoir fait mûrir le Death et lui avoir fait faire un grand pas en avant...mais non, pas les Beatles !
Carcass, c'est un petit groupe issu de la scène Grind britannique proche de Napalm Death. Porté par le bassiste Jeffrey Walker et le guitariste Bill Steer (tous deux chanteurs), ils enregistrent leur premier album en 1987, influencés par les débuts du Metal extrême européen et américain. Reek of Putrefaction, leur première production est une vomissure ultra brutale pour l'époque, tellement avantgardiste dans la crasse que l'ingé son Mark Ivory ne savait même pas comment mixer le disque ! Contrairement à Napalm Death, Carcass se désintéresse de la politique et préfère traiter de choses plus simples telles que la mort, la pourrissure et la chirurgie; le champ lexical du Death Metal quoi ! Deux ans plus tard sort Symphonies of Sickness, toujours aussi crade mais mieux produit, et enfin, le 1er octobre 1991 sort Necroticism: Descanting the Insalubrious, album qui marque un tournant dans la carrière du groupe.
Les débuts de Carcass ont été à juste titre qualifiés de Goregrind : un broyage répugnant qui évoque la pourriture d'une morgue abandonnée hantée par des cannibales psychopathes, dans des emballages cauchemardesques qui sont des collages de photos trouvées dans des manuels médicaux. C'est toujours le cas dans ce nouvel album, mais dans un style plus raffiné, et intéressant musicalement. Enfin, ça reste du Death avec des paroles dégueux et des chanteurs qui vocifèrent comme des damnés, mais c'est d'un tout autre niveau que ce qui a été fait avant !
Déjà, c'est le premier album avec deux guitares, marquant l'arrivant de Michael Amott au sein du projet, ce qui explique un son lourd mais aussi plus complexe : plus question de bourriner sur des morceaux d'une minute trente, maintenant on fait durer le plaisir avec plein de petits soli et des riffs plus mélodiques.
La durée des morceaux change drastiquement : sur Symphonies, les compos commençaient déjà à s'allonger mais ici, tous les morceaux durent au moins cinq minutes ! Ainsi, il y a de nombreuses variations de riffs, des breaks à vous arracher la tête et des soli et mélodies qui arrivent presque à rendre ce gros carnage beau. Les deux guitares donnent des riffs lourds et font partir les compos dans des directions presque inattendues, ce qui crée des moments presque hypnotiques. La batterie martèle comme un marteau à viande, et c'est le premier album où Jeff Walker a plus de place au chant que Bill Steer, avec sa voix éraillée et carnassière.
The nitrogen content's high
But the flesh is weak
At the graveside mourners cry
You're never to wake again
Et c'est ce qu'il y a de génial avec ce disque : c'est le point de rencontre parfait entre le gore bête et méchant des débuts et les productions futures (parfois trop) mélodiques. Ça peut plaire aux amateurs de Death old-school comme aux fans de groupes mélodiques récents.
Et ce que je trouve fou, c'est que c'est sorti en 1991 ! En même temps, c'est une année charnière pour le Death puisque c'est la sortie du Human de Death, de Unquestionnable Presence de Atheist et de Clandestine de Entombed, trois excellents albums du genre qui ont chacun participé à donner ses lettres de noblesse au genre. Si Death et Atheist voyaient loin avec leur compos déstructués, Carcass parvenait à joindre les deux bouts avec un disque très lourd, efficace et catchy, dans toute sa "goritude", après deux albums brutaux mais produits avec les moyens du bord. C'est un disque pionnier du Death mélo qui encore aujourd'hui sonne très très bien et n'a rien à envier avec des albums de groupes plus récents. Gros merci à Colin Richardson, l'ingé son !
D'ailleurs, c'est à ma connaissance le seul album de Death Metal AU MONDE à avoir le mot "cordon bleu" dans ses textes. Si ça ne vous donne pas envie de l'écouter, je vois pas ce qu'il vous faut de plus !
Necroticism est un disque exceptionnel, avec des compos d'une grande qualité, mêlant la destruction triviale du Death traditionnel et les mélodies complexes des albums futurs. Dans cette volonté de créer une musique aussi macabre que mélodique, deux ans plus tard sort Heartwork, grand succès critique et commercial qui délaisse les sonorités gores de son prédécesseur. Aujourd'hui Carcass se porte bien, ils sont revenus d'entre les morts en 2007 avec Surgical Steel et continuent de mêler barbarie mortuaire et mélodies raffinées, comme un beau buffet princier sur lequel giserait une carcasse de porc en putréfaction.
Top 3 : Inpropagation, Incarnated Solvent Abuse et Carneous Cacoffiny