Nº2
7.1
Nº2

Album de Serge Gainsbourg (1959)

Quelques mois après la sorti de son premier album, qui n'a pas rencontré le succès escompté, Gainsbourg est de retour en studio pour enregistrer le sobrement intitulé N°2. Malheureusement, ce nouveau disque n'a pas le même dynamisme musical. Il faut dire que par sa diversité accompagnée de textes assassins, Gainsbourg avait réussi le pari de faire un album parfait dès son premier disque (comme quoi, jamais le public ne connaîtra le bon goût).
Ce nouveau album n'est pas pour autant mauvais, ma note devrait vous rassurer. Mais il perd un peu le talent d'écriture de Gainsbourg et si la musique reste, encore une fois, d'une incroyable qualité, on en retrouve pas la diversité entraînante de Du Chant à la Une. Mais attention, les musiciens sont encore au top.


Il faut dire que le début n'est pas équivalent. Après une ode à la folie, au mal-être, au travail répétitif, l'ouverture est, cette fois, dédiée à un claqueur de doigts dans un juke-box. Celui-ci répète en continu les mêmes phrases et nous devons attendre 2 minutes et 30 secondes avant d'avoir enfin un début d'histoire sur une vague jalousie très mauvaise. Les paroles n'ont pas grand intérêt là où la musique est appréciable.
La Nuit d'Octobre est remarquable par la beauté du texte. Mais en même temps, qui de mieux que De Musset pour dépasser Gainsbourg ? Mettant ainsi encore plus en lumière les faiblesses du Claqueur de Doigts. Si on regrettera que la musique soit si douce, si gentille et si gaie, on peut en tout cas remarquer l'accompagnement magnifique quand Serge chante. La beauté de la poésie du grand monsieur Alfred est magnifique et c'est une mise en musique dont il ne devrait pas trop rougir.


Heureusement Gainsbourg se reprend un peu avec Adieu Créature, texte beau mais manquant encore de cette force sur-puissante. On a pas le génie. La musique accompagne doucement mais c'est finalement plus proche du slow que de la sur-puissance émotionnelle dont Gainsbourg est coutumier.
L'Anthracite remplie ce rôle. Avec ses accents indiens et son agressivité, Gainsbourg passe de la folie à la rage. Noirceur, amour, passion, cynisme sont au rendez-vous dans un cocktail émotionnel tout puissant. La fureur de Gainsbourg est palpable et très franchement, il aurait été difficile d'imaginer une musique plus fusionnante. On aurait presque pu surnommer ce titre Shiva.


Mambo Miam Miam est un petit mambo qui, là encore, est musicalement agréable mais qui souffre, malheureusement, d'un texte d'une grande faiblesse. En réalité, je n'arrive pas à voir une unité dans les paroles, chaque couplet me semblant, finalement, séparé du précédent. Si quelqu'un peut éclairer ma lanterne, qu'il n'hésite pas. En sommes, ça reste faible.
Heureusement encore, Indifférente vient sauver ce moment de faiblesse. L'aide d'Alain Goraguer n'aura pas été perdu et on a, clairement, les plus belles paroles (après De Musset) de l'album. La vitesse jazzy du morceau envoute et amène une puissante vague d'émotion et de rancoeur dont Gainsbourg a le secret. Le tout avec une forme d'égocentrisme des plus plaisantes.


Dans un style plus amusant sonnant presque comme les berges du Mississippi, Jeunes Femmes et Vieux Messieurs ironise sur les femmes avides d'argents et les vieux hommes qui abusent de leurs argents. Sans parler pour autant de prostitution, Gainsbourg s'amuse bien ici. On se retrouve dans un type de chanson proche de La Recette de l'Amour Fou. Très agréable de voir qu'en terme d'humour, Gainsbourg en a encore sous la pédale.
Enfin le disque se termine avec l'Amour à la Papa. Langoureux sans être faible, Gainsbourg se glisse presque en s'imposant dans les bras d'une femme. Il nous offre ainsi une belle fin d'album. Pas incroyable mais très belle par ses images.


Quel verdict pour cet album ? Après un premier très réussi, Gainsbourg baisse, incontestablement, en qualité ici. Ce n'est pas mauvais, on retrouve la patte Du Chant à la Une, mais on a pas le même génie créateur. Cette seconde salve perd en puissance et à être comparée à son ainée, elle n'a guère d'éclat.
Bien sur, Nuit d'Octobre, L'Anthracite et Indifférente sont des temps très forts du disque. Mais le reste, sans être mauvais, est clairement en-deçà des attentes légitimes. L'homme à la tête de choux avait quand même offert un premier disque où pas une seule chanson était médiocre, toutes étaient parfaitement séduisante et ce n'est plus ici le cas. Regret donc pour l'auditeur qui doit attendre de voir de quoi l'Etonnant Serge Gainsbourg est capable.

mavhoc
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le 13 févr. 2016

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