La musique, comme l’histoire, avance aussi en ressuscitant des choses anciennes et oubliées, et c’est pourquoi il ne faudrait pas négliger le bien que font au hip-hop en ce moment Joey valence & Brae. Car on n’est pas simplement dans un revival nostalgique par de jeunes geeks d’une époque qu’ils n’ont pas connue, mais plutôt dans un geste intempestif qui entend faire revivre une humeur et une énergie qui manquaient un peu, estimaient-ils sûrement, au rap actuel. En témoigne l’incroyable vitalité avec laquelle ils remettent à jour ce hip-hop new-yorkais du début des années 90 : prods, flows, performances vocales, tout est remarquablement maitrisé et immédiatement accrocheur. On passe avec une facilité réjouissante de morceaux à la Pete Rock à du Wu-Tang ou du Onyx, mais aussi et surtout par les Beastie Boys, groupe immense dont il était temps qu’il ait une postérité digne de ce nom. L’influence d’un rap contemporain plus expérimental n’est pas si lointaine : l’album commence avec des synthés d’une brutalité proche de Brockhampton époque Satuation, et dès le deuxième morceau est invité Danny brown, pilier s’il en est de ce rap là.
Le ton de l’album est plutôt à la dérision, en chargeant le registre très codé qu’est l’egotrip d’une malice et d'une ironie qui le revitalisent, avec des phrases du genre (« i dont do coke, i do pepsi » ou « she said she wanna see a party trick / this aint a watch this an Omnitrix ! ») – ce qui, au passage, n’est pas loin de ce que fait Ghost avec le hard rock FM et heavy metal des années 80. Les 30 et quelques minutes de NO HANDS sont ainsi dénués de toute « profondeur », de tout étalage narcissique et psychologique, de toute pose arty : elles baignent dans la légèreté. Voilà sans doute ce qu’elles ont de plus intempestif.