No Line on the Horizon par FlyingMan
No Line On The Horizon est le meilleur exemple du compromis impossible que U2 recherche perpétuellement, de pratiquer son art à leur manière tout en restant au top des ventes afin de remplir les stades du monde entier. A l'époque de la musique jetable, il est dur pour U2 avec un album "concept" de rester en concurrence avec les artistes à la mode de l'année.
Dès la conception de l'album (où Eno et Lanois sont déjà présents, une première et ca s'entend !), Bono a ce concept en tête d'un flic parisien immigré d'Afrique du Nord laissant tout tomber et traversant la France et l'Espagne pour retrouver le Maroc. Un véritable voyage géographique, culturel et intellectuel. Brillant ! Il sera même mis en image sur fond des chansons de l'album via le film Linear de Corbijn (Control, The American). On se refuse rien ! Mais encore une fois, U2 au dernier moment, pas excès de réflexion, fait machine arrière et bouleverse le tout. Prévu fin 2008, le voilà repoussé début 2009. Voilà le cas Pop et How To Dismantle An Atomic Bomb réunis. Un album concept qui ne va pas à fond dans le trip et ayant changé au dernier moment la tracklist en évacuant certains morceaux (dont le fabuleux Winter) et en y incorporant d'autres bien plus... commerciaux, dirons-nous ! Tout s'en voit influencer, y compris le film de Corbijn qui révèlera plus tard, avoir préféré la première mouture. Un signe.
L'album se lance sur le titre éponyme et Magnifcent. Mélange d'un titre rock empruntant de nombreuses gimmick de The Fly et d'un tube (aurait pu l'être du moins) tout en restant dans le concept. Parfait. Mais déjà au troisième morceau, cela se gâte. Moment Of Surrender n'est pas un mauvais titre, mais casse le rythme du disque dès son ouverture. Trop ambiant, trop long, il aurait bien mieux fait de figurer en fin d'album. Après, c'est la catastrophe... Trois morceaux s'alignent, Unknown Caller avec ses excellents couplets mélancoliques mais coincés entre une affreuse intro en mode oiseaux qui chantent et soleil qui se lève, et un refrain gênant de niaiserie digne des Colle Plaie avec ses "Oh Oh Oh" ! A n'y rien comprendre, surtout que Edge ne s'était pas trop mal débrouillé. Mais le pire est encore à venir avec I'll Go Crazy... Jamais un single de U2 n'aura été aussi mauvais. Pire que Staring At The Sun ou Stuck In A Moment. D'une niaiserie rarement vue, tout ca produit par un Will.I.Am à se demander ce qu'il fout là,... U2 aura voulu appliquer les éléments de tout gros tubes, mais n'aura finalement fait qu'uniquement honte à ses fans. Ils joueront d'ailleurs une version remix en live, comme s'ils étaient conscients du mal qui a été fait à ceux qui paient chers leurs places au concert, et pas ces pisseuses derrières leurs ordis ! Get On Your Boots est une sorte de Vertigo 2 qui a foiré. Les riffs sont là, la ligne de basse est vraiment géniale, mais la batterie et surtout les paroles sont nazes. Le titre ne prend pas, musicalement ca passe de 3 petites notes de guitares en suspension aux gros riffs edgiens alors que ca aurait dû tenir tout le long.
Après le soleil refait son apparition doucement, c'est surtout avec Fez - Being Born qu'on atteint le cœur de l'album et le plus représentatif du concept. Ces sons nord-africains auraient dû être sur tout l'album. Album qui se conclut heureusement magistralement. On n'a plus entendu pareil final depuis Achtung Baby. Le sous-estimé White As Snow émeut, Breathe aurait pu être un tube original avec ce Bono entre rap et chant et surtout Cedars Of Lebanon qui aurait pu figurer sur Pop entre The Playboy Mansion et If You Wear That Velvet Dress.
Il aurait pu/dû être très un fabuleux album concept. Hélas, y a encore les habituels problèmes qui se mettent en travers de la route, comme leur manque de confiance après tant d'années et leur perpétuelle quête d'être au sommet des charts, sans doute dû à la gigantesque tournée de 3 ans à remplir qui allait suivre. Mais ca fallait y penser avant. Le plus regrettable là-dedans c'est que ce disque va suivre le même futur que Pop. Il sera perçu par le groupe comme un échec et sera injustement délaissé pour n'avoir pu faire autant que les deux albums précédents qui se sont vendus par dizaine de millions en récolant 8 Grammy Awards chacun. Une mauvaise analyse car il reste pour de nombreux fans bien meilleur que les deux précédents.
"We might lose some of the pop kids, but....we don't need them." disait Bono au lancement de leur décennie de l'expérimentation. 20 ans après, le groupe a bien changé. Les voilà obsédés par les ventes, et le fait de travailler avec des pseudos artistes à la mode à la Will.I.Am ne me réconforte guère sur l'avenir du groupe...