Nouvelle princesse danoise
On place souvent la Suède en tête de ces pays nordiques à la pop florissante et faisant de l’ombre à la culture musicale anglo-saxonne. Stockholm y rayonne autant que Londres, et on dit même de la capitale du 3ème exportateur de musique au monde qu’elle compte le plus grand nombre de studio par habitants… Lykke Li et The Knife figurent ainsi en tête des récentes célébrités dans un pays injustement réduit au succès d’Abba pendant de longues années. A Copenhague pourtant, le phénomène de popularisation de la “scandi pop” est aussi d’actualité. Les reines danoises s’appellent déjà Oh Land, Agnes Obel et Fallulah, mais depuis deux ans toute l’attention est monopolisée par la jeune Karen Marie Ørsted, alias MØ. Née à Odense, l’artiste de 25 ans s’est rendue dans la capitale danoise et s’est imposée comme la nouvelle étoile montante nationale, bien aidée par son étiquette de “ Grimes danoise”. Entrée bruyante et premier album très attendu pour celle qui entre-temps s’est payé le luxe de composer avec Diplo et Avicii.
Signée chez Sony, Ørsted n’a pourtant pas manqué d’humilité pour réaliser son premier LP, affirmant même ne pas avoir quitté sa chambre pour enregistrer toute la partie vocale de No Mythologies To Follow. Cela va sans dire que MØ s’appuie avant tout sur une compilation de prouesses vocales, alliant le souffle nordique d’une Lykke Li à la sensualité d’une Lana Del Rey. L’album présente bien d’autres qualités, dont la volonté affichée de ne pas retravailler les plus anciennes chansons de l’artiste : Si MØ débarque avec tout un lot de nouveaux sons en 2014, son LP est aussi un alliage de ses premières compositions telles qu’elles étaient à l’époque, ce qui laisse agréablement entrevoir son évolution musicale depuis deux ans. C’est presque une surprise à une époque ou les “debut albums” sont homogénéisé au plus haut degré, comme pour privilégier la cohérence à l’originalité. La difficulté du premier album est en effet d’arriver à compiler un plus ou moins grand nombre de chansons issues de différentes expériences et réalisées dans un laps de temps souvent important. Pour Ørsted, l’évolution est ainsi assez remarquable entre son premier titre Maiden révélé en mai 2012 et le dernier single Don’t Wanna Dance sorti en début d’année. Pas de “version album” pour le premier single Pilgrim, qui figure comme une des belles particularités du LP avec son rythme lent porté par de simples handclaps et entrecoupé par de lourds cuivres. Même constat sur Maiden, savamment dosé en riffs de guitare pour former un grésillement addictif et qu’on ne retrouve à aucun autre moment de l’album avec une telle intensité.
L’an dernier, MØ avait continué sur le même chemin avec Waste Of Time, ainsi que Glass hymne électro-pop gonflé avec des beats semblant être empruntés à Grimes. C’est la rencontre avec Diplo qui a réellement changé la donne. Outre l’abandon de son image un peu lo-fi, pourtant bien entretenue jusqu’alors par ses artwork et ses home made videos sur youtube, MØ a fait appel au célèbre producteur de Major Lazer, au risque de se perdre dans un environnement pop moins personnel. XXX 88 n’est donc pas sa chanson la plus transcendante, peu aidée par des beats assez génériques, mais n’en a pas moins le potentiel d’un bon hymne pop pour se hisser au rang de single-buzz venant caresser un public plus « mainstream ». L’EP Bikini Daze qui l’a suivi de peu, n’a pas été plus rassurant, à l’image de la pâle ballade Never Wanna Know qui rappelle davantage de vieilles démos de Lana Del Rey que la signature laissée par MØ sur ses premières compos. Enfin, le dernier single Don’t Wanna Dance est venu clore cette longue période moins inspirée : Ørsted a abandonné toute originalité pour lancer un single réchauffant pour l’hiver mais complètement dépossédé de la touche électro qui avait révélé l’artiste 18 mois auparavant.
Néanmoins le grand mérite de cet album est de surprendre en rappliquant à nouveau la vieille recette MØ, pourtant complètement perdue de vue depuis de longs mois. Pour ce faire elle s’est entourée d’une large équipe de production notamment composée de Robin Hannibal, une des nouvelles références danoises derrière les projets Quadron et Rhye qui ont laissé deux albums très marquant en 2013. La chanteuse revient à ses premières expérimentations en ouvrant son LP avec Fire Rides, où l’on retrouve avec soulagement les même délires vocaux et l’electro/pop nordique et ravageuse de ses débuts. Les nouveaux sons qui suivent sont tout aussi réjouissant à l’image du bouillant Slow Love, comparé non sans justesse avec la house de l’excellent barcelonais John Talabot par Pitchfork. Ørsted s’essaye même à de nouvelles prouesses vocales avec Dust Is Gone en se contentant d’une instru plus minimaliste.
No Mythologies To Follow est donc un ensemble assez inégal, en proposant plusieurs approches qui étonnent ou déçoivent. La difficile synthèse de tout un travail entrepris depuis deux ans, avec douze titres évoluant au gré des directions musicales plus ou moins heureuses empruntées par MØ.