S'il y a bien un groupe dont il est difficile de dégager un album plus qu'un autre c'est bien le cas de Voivod la formation de thrash métal canadien, l'un des pionniers du genre. Mais de mon point de vue ce "Nothingface" est dans doute le plus intéressant voire même le meilleur disques de nos amis québécois. Et c'est justement celui que je vous propose de chroniquer ! Même si objectivement le débat peut être ouvert tant le groupe a sorti quelques bons disques en plus de 35 ans de carrière.
J'avoue que bizarrement à la première écoute de ce "Nothingface" comme d'ailleurs pour l'album précédent "Dimension Hatross" j'avais été un peu déçu, j'avais eu du mal à rentrer dans l'album et n'avais pas accroché immédiatement.
Car si ici, à la base, il s'agit bien de thrash métal on part très vite vers des parties plus expérimentales à la croisée de nombreuses influences, progressives notamment et aussi parfois psychédéliques. Il faut dire qu'on s'éloigne de plus en plus du thrash métal traditionnel des débuts du groupe, notamment de "Killing technology" et qu'on pourrait qualifier cet album de métal alternatif si le terme avait existé à cette époque, ce qui n'était pas le cas et si celui-ci n'avait pas été utilisé pour tout et n'importe quoi ensuite (de Helmet à Therapy en passant par Evanescence !!) à en finir par devenir complètement galvaudé. C'est pourquoi le terme de métal expérimental me paraît plus approprié.
Après quatre albums 100% thrash métal et même si "Dimention Hatross" le prédécesseur de "Nothingface" exposait déjà quelques velléités expérimentales, Voivod prend ici un tournant, leur métal est plus mélodique, plus travaillé, plus progressif, plus technique, plus recherché, en un mot plus expérimental. De toute manière Voivod a toujours été un groupe atypique, cherchant sans cesse à créer, à innover.
La voix de Denis "Snake" Bélanger et la complexité des morceaux, leur structure peuvent certes facilement dérouter. Plusieurs écoutes sont donc nécessaires pour apprécier toutes les subtilités musicales.
Voivod a su passer avec succès du thrash métal au métal progressif de qualité sans se renier mais en évoluant au fil de ses nombreux albums, Le groupe n'a d'ailleurs aucun raté dans sa discographie malgré sa perpétuelle remise en question.
Après "Killing Technology" puis surtout "Dimension Hatross", le groupe prend donc avec "Nothingface" un léger virage progressif (et même un peu plus "atmosphérique" comme l'atteste la sublime reprise du classique de Pink Floyd période Syd Barett "Astronomy domine" qui en est le parfait exemple, Voivod reprendra d'ailleurs également "The Nile Song" un peu plus tard).
Les morceaux sont innovants et mélangent plusieurs styles, les changements de rythme sont légions donnant l'impression d'avoir plusieurs morceaux en un, le tout créant une atmosphère assez spéciale (assez futuriste/SF, science fiction dont plusieurs musiciens sont de grands fans avoués) , le tout étant souvent assez déroutant pour qui découvre Voivod.
Les titres sont d'une grande homogénéité ; étrangement le morceau qui ouvre l'album et celui qui le termine sont peut-être les moins passionnants, pour le reste difficile de ressortir une chanson plus qu'une autre, mes goûts personnels allant vers "Missing sequences", la reprise de Pink Floyd "Astronomy domine" déjà citée, le plus mélodique "Inner combustion" et enfin "Nothingface".
Mais si vous voulez un titre vraiment représentatif du style Voivod alors direction "Pre-ignition" morceau déroutant, presque hallucinant, qui surprendra l'auditeur non averti, tant on ne sait plus où donner de l'oreille !
Au début des années 90 avec "Angel rat" et "The outer limits" Voivod explorera des contrées plus mélodiques et plus "classiques" avant de revenir à des albums se rapprochant musicalement de "Nothingface" avec "Negatron", "Phobos" et "Voivod".
Nous avons là un des groupes métal les plus intéressants et créatifs des années 80/90 (mais répétons le pas forcément le plus facile à appréhender tant les morceaux peuvent parfois être complexes) et surtout Voivod a réussi à créer son propre univers , sa propre originalité et au fil des ans est devenu facilement identifiable tant par le style (certains voient en Voivod le premier groupe de métal progressif), le son mais aussi par l'atmosphère qu'il dégage (tout le long de l'album nous naviguons dans une ambiance complètement futuriste, mystérieuse). Et c'est aussi pour cela que les québécois sont régulièrement cités comme une influence majeure par maintes et maintes formations.
Et puis n'oublions pas que Voivod a toujours eu la réputation d'être l'un des groupes les plus sympas et les plus ouverts de la scène métal.
Alors si vous ne devez écouter qu'un album de ce groupe allez jeter une oreille attentive sur le brillant "Nothingface" même si ce n'est pas le disque le plus accessible des canadiens.
Chronique écrite en 2019 puis reprise et augmentée en 2021
https://www.youtube.com/watch?v=4FAo53yEsrI