Difficile de faire meilleure impression dès le premier album. C’est un véritable joyau, une bonne heure de lâcher prise dominée par le silence, l’acoustique, la voix magique de Damien Rice et surtout une orchestration des plus étonnante, donnant souffle et force à chaque chanson.
Il s’agit ici de mélodies douces et imparables (Cannonball, la plus pop d’entre elles) dont le feu jaillit lorsqu'on s’y attend le moins, nous faisant alors ouvrir grand la bouche de béatitude et apportant son lot de frissons garantis.
Autre chose de notable reste cette sensation d’un album réalisé en one shot, volontairement brut dans les arrangements, avec des petites apartés du chanteur en fin de chanson (« til I find somebody new » lâché à la fin de Blower’s daughter), des chœurs sortant d’outre-tombe sur Cold water, des chants lyriques sur Eskimo, une pluie de violons sur Amie. Je le répète, mais cela donne un album imprévisible ne donnant qu'une envie, l’écouter encore et encore pour découvrir le moindre soubresaut nous ayant échappé jusqu’alors.
Certains titres se contentent d’être là, posés, chaleureux, comme Volcano, Delicate, CanonBall ou Older Chests. D’autres se permettent de remuer le cocotier et ainsi mettre en valeur le talent incomparable d’interprétation de l’artiste.
En premier lieu, retenez Cheers Darlin’, morceau pas très accessible avec son tempo extrêmement lent et ses murmures initiaux. Ecoutez, réécoutez et comprenez comment Damien insuffle douleur et rage à la complainte de cet homme encore épris de la mariée du jour. On est littéralement encré en lui, seul à une table, fumant clopes sur clopes, et regardant désespérément son amour secret danser avec cet autre. Les invités parlent entre eux, les verres s’entrechoquent, et les nerfs montent jusqu’à ce que l'homme explose en sanglots (What am I ?) en fin de chanson. Le tout se termine par des arpèges de piano de plus en plus dissonants, comme s’il agissait d’un mariage dont les fausses notes ne seraient connues que de lui. C’est ma vision de cette chanson, et c’est à tomber de tristesse…
Côté larmichette, comment ne pas citer The blower’s Daughter, Cold Water et Amie, touchant la corde sensible grâce à la voix magnifique de damien Rice et la montée en puissance vocale et musicale de chaque refrain.
Et puis il y a « I remember », splendide 2 chansons en une, la première partie incarnée par Lisa Hannigan (présence essentielle à la beauté de l'album), une petite balade amoureuse pleine de mélancolie, la seconde tenue par la fougue de Damien rejoint très vite dans ses cris par une horde musicale de folie, froissant les oreilles autant qu’elle transporte, et puis ce rappel très malin du thème principalement initié. Folk et Rock ! Incroyablement brut !
L’album se clôt en beauté par Eskimo bluffant de tendresse et de force et un finish en forme d’apothéose grâce à un chant lyrique exposant une richesse de plus à ce qui pourrait être une chanson folk juste sympa.
Voilà, on a fait le tour de cet album fantastique que l’auteur n’arrivera pas à égaler avec les albums suivants, même s’ils sont de très bonne facture, les effets de surprise sont alors plus attendus.
Forcément, c’est pas un album à passer en soirée entre potes, c’est quelque chose d’intime à écouter pour se recentrer sur soi-même et oublier l’espace de quelques minutes le stress du monde actuel, ce qui reste le but de la musique après tout. Jamais un album n’aura mieux rempli sa tâche !