A part les archivistes insatiables du death metal et les fanatiques absolus de la première période du style, qui peut encore bien s'intéresser à la réédition d'Omega Factor ?
Personnellement, je fais partie des deux catégories, et cet album n'était pas encore tombé entre mes mains.
Killing Addiction fait partie de ces groupes qui sont arrivés tardivement sur la scène. Ils étaient pourtant bien partis, dès l'année 1989 lors que laquelle Chris Wicklein et les frères Chad et Pat Bailey se sont réunis pour monter le projet dans la ville d'Ocala, au nord de la Floride. Après une démo K7 à la qualité sonore discutable mais proposant un death metal bien virulent, le groupe sortit un EP en 1991 sur le label culte Seraphic Decay. Seulement, deux ans ont passé avant que leur premier véritable album voie le jour. C'est sans doute là que le bât blesse, et ce d'autant qu'il s'agit d'une production locale, réalisée dans un studio pas très loin de chez eux. Eh oui, ils ne sont pas passés par la case Morrisound, un comble pour un groupe de death floridien. Et ça se sent à l'écoute de cet album : le son manque cruellement de relief et d'épaisseur, ce qui a tendance à rendre leur musique encore moins accessible et accrocheuse. Parce qu'ils pratiquent un death passablement brutal, loin de toute considération mélodique, avec un guttural impressionnant pour lequel on précise dans le feuillet qu'il n'y a aucun effet sur la voix.
Les compos de Killing Addiction sont pourtant valables, très linéaires et semblables les unes aux autres certes ; mais la conviction des gaillards est plus que certaine.
On peut facilement faire le parallèle avec deux autres groupes qui avaient sorti leur premier album cette même année, eux aussi victimes de la saturation de la scène death à ce moment-là : les Pennsylvaniens de Rottrevore (avec le terrible Iniquitous) et les Texans de Nokturnel (avec le sauvage Nothing But Hatred, dont j'attends la réédition avec impatience). On pourrait même ajouter Morpheus Descends, qui avait sorti son premier full length, le sombrissime Ritual Of Infinity, en décembre 1992, qui plus est sur le même label qu'Omega Factor : JL America.
Tous ces groupes ont été oubliés depuis et on ne les retient malheureusement plus dans les classiques de l'époque.
Pour revenir à Killing Addiction précisément, leur son n'est pas très floridien, pas seulement à cause de la production. Je les trouve beaucoup plus proches des combos death brutaux du nord du pays, comme ceux que j'ai cités.
Quant à l'EP et à la démo, qui sont en bonus dans cette édition, même si le son n'est pas fameux, il y a du bon à se mettre sous la dent ; je pense notamment aux deux morceaux de la démo qui ne figurent pas sur l'album, à savoir Well Of Souls et Condemned, qui sont deux brûlots assez terribles.
Au-delà de sa couverture intrigante autant qu'atypique (œuvre de Nicola Curri), Omega Factor reste un très bon produit d'époque, passé à l'as car sorti sans doute un peu trop tard. Il est cependant encore possible de rendre justice à ce bel objet.
Le groupe existe toujours, puisqu'il s'est reformé en 2006, avec un deuxième album (honnête à défaut d'être mémorable) sorti en 2010 et deux EP depuis. Ils ont malheureusement perdu un des membres fondateurs, un des deux frères Bailey qui est mort en 2016.
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