UN ARTICLE POSTHUME (3 pièces - suite)
Commençons par le début.
Je connaissais Alain Bashung grâce à Gaby et ses Vertiges de l'amour.
N'ayant pas grandi à proximité d'une base aérienne américaine quelque part en Alsace, c'est en grandissant que mes oreilles se sont ouvertes à d'autre univers musicaux qui allaient bouleverser ma vie.
Le blues et le rock'n'roll.
A mon humble connaissance, un seul artiste a su s'approprier ces musiques, en l'enrichissant par des textes extraordinaires.
Avec "Osez Joséphine", il réalise une œuvre importante dans sa carrière, qui lui ouvrira les portes de la reconnaissance du public (tant mieux pour nous) et de la profession : nombreuses victoires de la musique.
Bashung sait écrire et il sait faire du blues et du rock'n'roll. Faut dire qu'à l'époque, le rocker souffrait dans son âme, son cœur et sa chair. Mauvais amour, alcool, drogue et le reste de talents donnent à ce disque une couleur scintillante, teintée de noir et de bleu.
Un album exaltant et passionnant qui s'articule sur trois axes ou trois pièces.
"1- J'écume", "2- Volutes", "5- Les grands voyageurs" et la fantastique Joséphine qui ose tout sur le titre 7. Il y a dans ces quatre titres des airs de bayou, de Mississipi et de Chicago.
Des textes nacrés taillés sur mesure par Jean Fauque, nouvelle recrue de l'écurie écœurante qui manie la langue comme pas un.
Tiens, un baiser de Bashung renverserait n'importe quelle femme (moi, qui ne suis qu'un homme).
Deuxième axe, trois chansons.
Deux plus intimistes, presque chuchotées. "3- Happe" et "8- Kalabougie". Bashung se découvre, il se fait confident. A peine des secrets, comme des excuses et des regrets.
"10- Madame rêve" clôture l'émouvant dypthique dans un texte des plus imagés. Une allégorie faite de sens et de contre-sens qui sèment la confusion.
Chacun se plaira d'y comprendre ce qu'il désire, n'est-ce pas ce que l'on attend d'une belle chanson ?
Dernier axe, l'hommage. Celui qu'il rend avec délectations à ces idoles.
Johnny Kidd n'est pas de la partie pour cette fois. Par contre, l'énergie de Buddy Holly, s'entend sur "4- Well all right ", l'accent rude et texan de Hank William résonne sur "6- Blues eyes crying in the rain", la voix nasillarde de Bob Dylan se diffuse sur "9- She belongs to me" et enfin le blues satiné de The Moody Blues miroitent sur cette reprise de "11- Nights in the White Satin ».
Le voilà le costume trois pièces et celui là, il me va comme un gant, taillé sur mesure.
Avant ce disque, je respectais Bashung et je crois bien que c'est tout.
Avec ce disque, je me suis découvert un ami qui sait m'écouter et qui sait me parler.
Cette amitié toute virtuelle et unilatérale repose sur un élément : son talent.
Un talent qui me précède, qui me suit, qui marche à mes côtés. Une posture toute empruntée et qui force le respect.
Et de tous ceux que je puisse lui reconnaitre c'est de savoir se remettre en question, à chaque disque ou presque; se mettre à nu devant nous, nous prendre en revers, brouiller les repères... tout en demeurant chaque fois lui-même, dans la même direction.
Il demeure l'exemple absolu d'un artiste qui se conçoit comme tel, un ami, un poteau indicateur.
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