Est-il facile de faire de la pop ? Facile d'en écouter en tout cas. S'il y a un genre accessible par essence, c'est bien la pop (si on excepte bien sûr l'easy-listening, on ne peut plus clair sur ses intentions). Une petite chanson courte et puis s'en va ; de l'accrocheur, de l'efficace et surtout de la simplicité. Rien de plus facile que d'écouter de la pop. Maintenant, est-il facile de faire de la pop ? Si on en croit le dernier album de Noah Lennox alias Panda Bear, qui de toute évidence tâche ici de jouer dans cette cour, la réponse est non. Non, vraiment pas. Et j'ai du mal à ne pas crisser des dents quand je lis sur un site sérieux cette phrase : "who needs Brian Wilson?" (true story bro). On pourra dire que je suis biaisé, après tout je n'ai jamais pu écouter un album d'Animal Collective en entier, (peut-être Feels, me souviens plus) tellement tout cela m'emmerdait. Les bidouillages du groupe m'ont toujours paru dénués de toute passion, sans vrai bon morceau, juste des prétextes pour trafiquer leur bouillasse sonore. Pourtant j'aime l'expérimentation, mais rien à faire, je suis allergique.
En ce sens, Panda Bear Meets the Grim Reaper est un exploit, car c'est le seul album issu d'un membre du groupe que j'aurai réussi à m'enquiller d'un bout à l'autre, et même plusieurs fois - non par masochisme, mais pour le "bien" de cette chronique. Une première écoute vague apporte deux constats. Premièrement : ici, comme énoncé plus haut, on tente de faire de la pop. Beats à gogo pour nous faire remuer du cul, harmonies vocales à foison, en théorie c'est déjà pas mal pour une base. Deuxièmement : cette voix. Sûr qu'on trouvera pire ailleurs, mais ça n'empêche que Mr Noah chante comme un chewing-gum usé. Zéro passion, zéro charisme, juste cette distance désincarnée qu'on pourra à loisir prendre pour de la timidité du dédain. Difficile d'arriver au bout du disque en une fois, car notre attention n'est pas tant happée par les morceaux en eux-mêmes que par ce qui en constitue la périphérie. Les fioritures, les arrangements, la production. Tous ces petits bidules sonores bizarroïdes qui pullulent le long du disque. Le cachet "expérimental" en quelque sorte.
Mon humble impression est que le Panda s'est beaucoup plus éclaté à décorer ses morceaux qu'à les construire ou à les habiter. Et ça se ressent très régulièrement lorsqu'une mélodie répétée trente-six fois finit par tomber à plat faute de conviction. "Boys Latin", le single du groupe et loin d'être le pire titre, est l'exemple parfait de cette frustration qu'on peut ressentir à l'écoute d'un morceau de ce PBMGR. Le morceau débute avec des sons amusants, des bruitages qui fourmillent et plantent une belle atmosphère. Puis le chant débarque et voilà qu'une bonne idée de Lennox vient compenser ses évidentes faiblesse vocales ; le jeu d'écho vocal, de question-réponse harmonique, amuse et intéresse... Mais ne fait que se répéter sans que rien ne change vraiment dans le morceau, à part encore et toujours des bidouillages secondaires. Ce qui ne poserait pas de problème s'il n'y avait ce manque de passion ; au bout de la troisième monotone répétition, on a juste envie que la chanson se termine pour de bon. À ce titre je préfère encore aller m'écouter la B.O. du jeu Earthbound, au moins personne n'y chante.
Ce qui semble vraiment habiter Panda Bear, ce n'est pas la pop, c'est la bidouille sonore, l'expérimentation. Sur ce disque, on a l'impression qu'il se rêve en popeux mais sans en avoir l'âme... S'il y ressemble parfois, c'est parce qu'il y a des beats entrainants ou des harmonies omniprésentes. Enfin pour les beats entrainants, ce serait passer sous silence des pistes chiantissimes comme l'interminable "Tropic of Cancer", dans laquelle Lennox sort sa plus belle harpe et sa perruque de sirène pour vocaliser dans le vide, ou encore "Lonely Wanderer", même si dans cette dernière on saura apprécier le conclusion menaçante du morceau, preuve que c'est encore dans l'expérimentation ambiante que Panda boy s'en tire le mieux. Preuve en est la conclusion "Acid Wash" qui fournit un beau potentiel sonore tant que l'ami Noah se lâche à la console et lâche le micro. Dès que Lennox tente de construire quelque chose qui ressemble à une chanson, on tombe dans la redondance et l'insipide. Pour conclure, m'est avis que monsieur Bear serait plus inspiré de se muer en pur ingénieur studio, ou de publier un authentique album d'ambient, ou bien, s'il tient tellement à faire des chansons, de ne pas les écrire ni les chanter lui-même.