Plaisir coupable mon cul

Un plaisir coupable, c'est quand tu as honte d'aimer ce que tu aimes parce que tu as conscience au fond de toi que c'est quand même un peu pourri.

Ça, c'est plus ou moins l'idée générale des gens pour qui Manau mériterait de figurer aux côtés des 2be3 dans la liste des abominations issues des années 90. Pourtant, à mon grand regret, il est très difficile de trouver une critique négative construite et argumentée, signe d'un dédain évident pour un groupe qui est souvent réduit à "Akim le fils du forgeron mdr".

Pourtant, j'aime voir des avis contraires au mien et je trouve intéressant de voir ce qui a pu être rédhibitoire pour d'autres. J'ai surtout l'impression que les gens n'ont pas pardonné à Panique Celtique son succès commercial mais juge-t-on un album pour sa musique ou pour le retentissement médiatique qu'il a eu ? C'est vrai que Polydor s'était fait plaisir avec une campagne assez agressive mais hormis "Panique celtique", "Faut pas tiser en Bretagne" et "Mais qui est la belette ?", les morceaux font très peu festifs.

Alors quoi ? Parce que ce n'est pas "du vrai rap" ? On retrouve pourtant un bon storytelling, notion chère aux amateurs de rap, qui pose une ambiance, un univers, tout en racontant une histoire. Alors certes, utiliser l'imaginaire et la musique celtiques a de quoi surprendre mais a-t-on déjà reproché à IAM de reprendre l'imagerie et les sonorités de l'Égypte antique, du Japon féodal et du western spaghetti ?

On retrouve dans des morceaux comme "Le chant des druides", "Le chien du forgeron" ou "Un mauvais dieu", un goût prononcé pour l'heroic fantasy qui se popularisera encore davantage dans les années suivantes sous l'impulsion du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.

Là où Manau s'illustre tout particulièrement, c'est dans sa narration. "L'avenir est un long passé" ne réinvente pas la roue mais a le mérite de proposer un morceau contre le FN détaché de toute forme de prosélytisme en nous racontant l'histoire de plusieurs personnages, ce qui évite de tomber dans l'écueil du donneur de leçon.

Martial Tricoche endosse dès le départ un rôle de conteur enrobé dans un rap dont le flow a certes vieilli mais qui demeure, à mon sens, toujours aussi plaisant à écouter aujourd'hui mais qui reste lié à une certaine nostalgie, ce qui peut fausser l'appréciation qu'on en a, en bien comme en mal.