On connaît Alicia de Larrocha pour ses interprétations soyeuses, délicates et à la technique impeccable. Pour l’éclectisme de son répertoire, des compositeurs espagnols du XIXe siècle jusqu’à Rachmaninov, en passant par Bach, Mozart, Liszt, Schumann et Chopin. On sait moins qu’elle fut aussi compositrice à ses heures perdues de jeunesse.
Pecados de Juventud, littéralement « péché de jeunesse », est d’ailleurs le titre choisi par le label espagnol Columna pour réunir ces cinquante-quatre pièces écrites de 1930 à 1953 par la pianiste catalane. Majoritairement pour piano seul, on croise aussi sur ce double album des compositions pour orchestre de chambre. On passera sur ces dernières, d’un intérêt limité musicalement, pour leur préférer les premières. Celles-ci empruntent leur inspiration principalement à Mozart (CD1) et à Debussy (CD2), tout en s’en démarquant par un emploi fréquent de la dissonance, typique de la composition moderne de l’entre-deux-guerres.
Courts (d’une à trois minutes tout au plus en général), ces petits morceaux dont les titres reprennent banalement ceux de la nomenclature usuelle (Étude, Romance, Ballade…) se laissent grignoter aimablement ; charment par leur naïveté (qui n’est que d’apparence) et stupéfient pour certains par l’émotion qu’ils parviennent à faire émerger, sorte de cruelle nostalgie lovée dans les remous de l’avant-guerre. Une impression qui ne se départ pas d’une réelle maîtrise des techniques de la composition classique héritées de Bach, comme l’illustre cette très jolie Suite para piano en quatre mouvements, tout en contrepoints admirablement dosés et véritable délice pour les oreilles.
Le piano clair et tempéré (très bonne prise de son) de Marta Zabaleta vient à merveille faire revivre ces pièces pour clavier quelque peu tombées dans l’oubli. Un détour obligé pour tout amateur de la somptueuse musique d’Alicia de Larrocha.