Peter Gabriel par lorisalis
En 1980, le monde est encore englué dans les années 70.
C'est la raison pour laquelle cet album marquera à jamais des générations d'auditeurs. Ceux qui cherchaient un son enfin nouveau, loin du disco, du rock progressif, et des shows "son et lumière".
Lorsque Peter Gabriel débarque avec ce troisième opus solo, il est loin d'être un débutant, pourtant il donne l'impression que personne ne le connaissait vraiment jusque là. On entre avec lui de plain pied dans les années 80 sans aucune transition, sans qu'aucun signe annonciateur nous ait préparé à la chose. Comme si l'artiste attendait ce changement de décennie pour présenter au public cet œuvre au noir qu'il ourdissait seul dans son coin.
Une vidéo tournant sur YouTube résume à elle seule ce sentiment, c'est la prestation à "Top of the Pops" de "No self control": On y voit le présentateur de la BBC habillé comme un hippie, bandeau dans les cheveux, chemise ouverte et barbe foisonnante annoncer d'un ton jovial l'artiste. Lorsque la caméra passe sur Peter Gabriel, le contraste est saisissant. On a l'impression de faire un bond de 20 ans dans le futur.
Voilà ce que m'inspire cet album, une percée dans le futur car 33 ans après, PG3 (Melt pour les intimes) parait toujours aussi inventif, audacieux et souvent troublant tant ces sons semblent venir d'un autre monde.
Pourtant d´un point de vue technique, Gabriel continue de travailler avec des instruments traditionnels mais ils sont tant transformés en post-production qu'ils nous semblent inconnus. La batterie de Collins adopte pour la première fois ce son si particulier et synthétique qui n'est, sommes toutes qu'un bidouillage simple. Idem pour la basse efficace et slappitante et enfin la guitare, cet instrument si emblématique de la décennie précédente, est ici reléguée au second plan mais ses riffs aiguisés nous laissent de grandes cicatrices dans le système auditif.
Par la suite, pendant toutes les années 80, des centaines de gens tenteront de reproduire ce son si particulier, épaulés de leurs boites à rythmes et de leurs DX7 mais il ne réussiront qu'à corrompre le concept de Gabriel et finalement à sacrifier musicalement une décennie.
L'album est inventif et glaçant de bout en bout. Les textes sont d'une noirceur jamais atteinte. Dès le premier titre, "Intruder" on est dans le bain avec cette musique aux sonorités étranges et cette voix angoissante qui murmure des paroles réellement flippantes.
D'un point de vue personnel, l'artiste ne réussira jamais plus à égaler ce niveau d'excellence atteint sur cet album.
Un pur moment de grâce.