Aussi loin que je m'en souvienne, Physical Graffiti a toujours eu la couleur de l'automne.
Allez savoir pourquoi, mais chaque année, dès que les premières teintes rougeâtres et jaunes apparaissent dans le paysage, j'ai un rituel immuable, celui d'écouter intégralement l'album.


Et toujours le même refrain : accoudé à ma fenêtre, le casque vissé sur la caboche et le regard porté vers l'horizon, la brise Zepelinienne m'emporte dès les premiers coups de griffe de Custard Pie, introduction affûtée et tellement typique du son des anglais. Place ensuite à The rover au groove rond et chaud, une promenade qui nous replonge dans les racines blues du groupe. Pour le titre suivant, on reste en territoire « roots»,In My Time Of Dying, plus long morceau de l'histoire du dirigeable (en studio) est une fresque gorgée d'influences qui démarre dans un folk traditionnel et finit en blues rock endiablé. Arrive ensuite Houses of the Holy, hard rock carré à l'efficacité redoutable. Pour la petite histoire, ce titre n'a jamais été joué en live, c'est dire l'épaisseur du catalogue des musiciens. Trampled under Foot, autre classique, est un bien curieux morceau. Il propose une cadence funky, sautillante qui tranche avec le souffle dense des plages précédentes. Une accalmie réjouissante dans la langueur de l'album, surtout quand on sait ce qui se prépare en arrière-plan. Car Kashmir déboule sans crier gare. Fabuleuse pièce au tempo pachydermique, on se laisse emporter au loin par cette bourrasque lourde comme l'enfer et mâtinée d'accents orientaux. Redondant, obsédant, ce titre se vit autant qu'il s'écoute. 8 minutes et 30 secondes furieuses qu'il faudra affronter pour terminer la première face du disque. Les notes se dissipent, la tempête est passée ...


In The Light ouvre le second volet de Physical Grafitti. Une lente progression inaugurée par un duo guitare/clavier pastoral qui se muscle au fur et à mesure. Ce titre est une excellente entrée en matière pour nous replonger sans efforts dans la tonalité générale de l'album. Mais que dire de la suite ...
Les deux morceaux suivants ont toujours été chers à mon coeur. Bien qu'ils soient très différents, ils ont cette même particularité d'inviter au voyage. Dès les premières notes, la magie opère et je m'égare ... Bron-Yr-Aur m'emmène sur les vertes prairies du Pays de Galle. Une sorte de ballade acoustique et champêtre, touchée par la grâce, à laquelle je m'abandonne doucement. Down By The Seaside elle, une des chansons les plus sous-estimée de Led Zeppelin à mon sens, me rappelle ce paysage côtier du sud de l'Angleterre. Le charme typique des villes comme Douvres ou Folkestone, ancrées entre des collines blanches s'étirant sur la Mer.
Je ne sais pourquoi, ces deux airs me dressent à chaque fois cet imaginaire unique ...
Ten Years Gone, déclaration poignante, demeure comme une des chansons les plus tristes du groupe. Un flot hypnotique et mélancolique, mais terriblement prenant.


Je dois dire que le reste de l'album m'a toujours moins convaincu. Le groupe y continue d'explorer d'autre sources, d'autres sonorités, en les agrégeant parfaitement à leur musique, mais je ne sais pourquoi, le charme opère moins. Rien de déshonorant dans ces titres, je dirais juste qu'ils sont plus anecdotiques. Mais les deux premiers tiers, eux, délivrent un parcours sans fausse notes. La quintessence du bruit Zeppelinien.


Mais voilà que nous sommes déjà au crépuscule de l'automne. Le arbres se dénudent et le froid s'installe. Le blanc et le gris, impitoyables, vont bientôt supplanter les cimes colorées de la nature.
Cela signifie qu'il est temps pour moi mettre le disque à l'abri, de coté, le temps de quelques mois. Car il en est ainsi des bonnes choses de la vie. Il faut savoir ne pas en abuser afin de les préserver. Pour des raisons qui me sont propres, je ne voudrais surtout pas altérer ce charme automnal qui sied si bien à ce grand album.


C'est peut-être ridicule, mais j'y tiens énormément.

Liverbird
9
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le 30 nov. 2015

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Liverbird

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