Sufjan Stevens est sans conteste l’un des plus grands génies de ce 21ème siècle. Un bref rappel de son vécu musical pourra en attester. Il est en effet l’auteur d’albums déjà devenus incontournables. Citons les trois principaux : Illinois (sorti en 2005, celui qui l’a révélé et est son plus grand succès à ce jour), The Age of Adz (2010) et Carrie and Lowell (2015). Ces trois chefs d’œuvre sont aussi des témoins du génie de l’américain par le lien des genres musicaux qui les unit, à savoir : aucun.
Et c’est là l’une de ses grandes forces : être capable de créer des albums extraordinaires mais dans des styles totalement différents. Pour faire simple, si l’on adore Carrie and Lowell, dont le genre emprunté est un folk épuré, on pourra très bien être écœuré d’un The Age of Adz à la sauce électronique expérimentale. Vous adorerez peut-être Docteur Stevens quand il vous sera possible de rejeter Mister Sufjan.
Il y a tout de même de même des dénominateurs communs aux œuvres de l’artiste qui voulait dédier un album à chaque Etat américain. Tout d’abord le fait qu’il travaille aussi bien l’instrumentalisation que les lyrics ; et que le lien de réciprocité entre ces deux entités est ultra travaillé. Enfin, il faut aussi parler du thème principal, véritable clé de voûte de chacun de ses projets musicaux.
Planetarium ne déroge pas à la règle et suit tous ces préceptes. Tout d’abord, le thème ? « Beh les planètes, l’univers, tout ça, t’as qu’à regarder la pochette de l’album,… » Paf, perdu. Ou du moins partiellement. Si vous êtes aussi bilingue que je le suis et que vous n’avez pas encore eu la curiosité de vous intéresser aux paroles, vous serez certainement tombé dans le panneau. Le thème n’est d’ailleurs pas évident, et je pense que même les plus anglophones auront du mal à s’y retrouver pleinement. La mythologie romaine est le véritable fil conducteur, bien qu’elle soit en partie mélangée avec le thème des planètes et de la galaxie. Ce qui n’est pas si étonnant lorsque l’on sait que Sufjan est trempé dans la religion depuis sa naissance.
Au fil des pistes, Sufjan parle de et avec différentes divinités romaines. Il les questionne toujours, avec parfois une trace d’amertume qui n’a visiblement pas été entièrement vidangée par Carrie and Lowell, mais toujours avec sensibilité et poésie. Pour chaque divinité, l’être humain et son action sont remis en cause. Au fond, la mythologie conte la légende des Dieux et de Déesses qui sont à l’image de l’Homme. Avec Mars, c’est l’attitude belliqueuse puérile de l’Homme qui est dénoncée. Les morceaux Earth voire Jupiter critiquent la naissance de l’être humain destructeur. Chaque défaut qui constitue notre identité est néanmoins contrebalancé par nos qualités et par des lueurs d’espoir.
Mais le thème de l’univers reste néanmoins omniprésent, plus par le biais de la musique que par celui des textes. Sufjan a décidé de revenir à un genre électronique qui sied parfaitement au thème des étoiles. Le vocodeur est très usé, pour faire naître mille nuances de voix. Tout est produit en variation, comme pour mieux coller à l’infinité du cosmos.
Chaque chanson a une ambiance particulière qui fait symbiose avec la divinité et/ou l’entité de l’univers choisi. Pour parler d' Uranus, Dieu du ciel, des chœurs célestes s’élèveront. Mars, Dieu de la guerre, amènera une atmosphère pesante, apocalyptique, ornée de cuivres menaçants. Earth, piste la plus longue et peut-être la plus ambitieuse, fait peser un climat tantôt léger, bienveillant, tantôt grinçant, menaçant. Comme pour signifier que la Terre tire son essence de son contraste. On y entend un hymne aux airs d’avertissement qui pourra faire penser à celui du géant Impossible Soul.
Au final, l’œuvre est longue : environ 1h15. Mais dans l’espace, le temps est relatif. Vous ne verrez pas le temps défilé.
Planetarium est un voyage qui traverse aussi bien les âmes humaines, par la symbolisation des divinités mythologiques romaines, que les étoiles et les planètes. Une œuvre on ne peut plus singulière, space-iale, qui renforce un peu plus la place de Sufjan Stevens au Panthéon des génies de la Musique.
9/10