Les années 80 : l'avènement de la disco, du rock-à-papa commercial, du Parti Socialiste et des dessins animés débiles pour enfants. Après vingt ans de mièvreries hippies, il fallait bien reparler de choses un peu sérieuses : la guerre, les bains de sang, tout ça...
Le Thrash Metal, dont Kreator est l'un des représentants de la scène allemande (la seule autre scène d'importance étant celle de la côte ouest des États-Unis), c'est un peu le contre-pied de toutes les bêtises bien-pensantes du temps ; en un sens, des rêveries des années précédentes, on commençait à en revenir un peu. Les catholiques de l'époque étaient horrifiés par cette musique infernale qui se répandait dans les campagnes jusqu'alors paisibles de l'Europe : une musique qui parle de la mort et de la souffrance ! Vous en rendez-vous compte ? Inadmissible, dans un pays de culture chrétienne...
De toutes façons, Kreator, ça n'a jamais été très malin, surtout à leurs débuts. Un nihilisme athée désabusé agrémenté d'images d'horreur sur la brutalité humaine et le risque de disparition des civilisations dans un bain de sang général feront l'affaire — ce n'est pas le plus important.
Ce qui compte, c'est ce son caverneux, cette basse et cette batterie au son étrangement rond mais glauque. Il a fallu un certain temps avant de réussir à enregistrer proprement ce genre de musique. La grande erreur de ces jeunes pionniers des années 1980, cependant, c'est de l'avoir fait par la suite, quand ils en ont eu les moyens. Pleasure to Kill, c'est crade, peu lisible quand on est pas habitué, mais c'est bien : il n'y a, d'ailleurs, pas beaucoup d'albums qui sonnent pareil.
Avec du recul, après avoir passé au crible les principaux albums de l'époque puis être passé un peu à autre chose, j'aurais tendance à mettre Pleasure to Kill en haut du panier, avec les premiers albums de Sepultura ou de Destruction, en ce qui concerne le Thrash Metal. Il y a des tas d'albums qui m'emmerdent un peu maintenant. Là, le charme demeure. Dès les premières secondes tout y est : le tumulte infernal, l'avalanche de riffs, les shreds chaotiques (sans doute improvisés), le blast beat à peu près ininterrompu...
Il faut parfois savoir faire simple pour faire bien : qu'on écoute les quelques riffs simplissimes d'Under the Guillotine, monstrueusement efficaces. Le problème, c'est qu'une fois qu'on a fait simple, on sait plus quoi faire... C'est sans doute la raison pour laquelle le Thrash Metal a vite disparu, après seulement quatre ou cinq ans d'excellents albums.
Il y a cependant un très bon groupe breton qui en a repris l'héritage, en particulier de Kreator, avec un certain succès, récemment : https://www.youtube.com/watch?v=gonNQ0JhraY