La flemme de l'Amiral

Je ne suis pas fan de Polnareff, mais c'est vrai qu'il y a certains de ces tubes que je trouve absolument géniaux et que j'avais eu la curiosité d'écouter deux de ses albums, à savoir Bulles et Enfin !. Deux disques que j'ai aimé même si évidemment Enfin ! n'a pas fait l'unanimité.

Michel Polnareff revient quatre ans après son dernier album studio avec 12 de ses propres titres réinterprétés essentiellement en piano-voix. Et surtout, chose assez rare, le chanteur revient dans les médias : interviews en pagaille, soirée spéciale pour France 2, participation à diverses émissions télé... J'ai l'impression qu'en termes d'image, il est question de miser sur autre chose que la sobriété de la promotion d'Enfin !, que la maison de disques avait pensé pouvoir vendre facilement sans aucun effort tant le retour de l'artiste était attendu.

Il annonçait fièrement "pouvoir monter aussi facilement qu'avant dans les aiguës" en interview alors forcément j'étais intrigué par ce nouveau disque, et j'ai été bien déçu. Quand on est un excellent pianiste, sur le papier, l'idée de réarranger des titres connus en piano-voix n'est en rien un problème. Et c'est vrai que du côté du piano c'est excellent. Pour la voix, on se dira également que Polnareff impressionne aussi après tant d'années. Mais il y a des choix de mixage et des partis pris artistiques qui selon moi ruinent tout l'intérêt de ce disque.

D'abord, il y a cette reverb insupportable sur la voix du chanteur. C'est pas possible d'en avoir mis autant consciemment, n'importe quel ingé son aurait dû s'y opposer fortement tant ça dégouline. Pour moi cela trahit un manque de confiance évident, comme si la voix avec des effets moins prononcés ne suffisait pas pour retranscrire de l'émotion. Je pense que le souci c'est que comme Michel Polnareff a vieilli, forcément même s'il atteint globalement les mêmes notes, il a moins de puissance. Il fallait masquer ça, ce fait tout à fait logique pour n'importe quel humain pour qui les années passent., et ça a été fait sans finesse. Ensuite il y a ces copiés-collés assez sales sur le refrain de Goodbye Marylou. Le refrain de la chanson originale est bien planant comme il faut, aidé par les arrangements de l'époque il faut bien l'avouer. Là comme le refrain est strictement le même à chaque fois, que la prise vocale n'est pas top et que c'est du piano-voix donc avec aucun artifice pour rattraper la prise moyenne derrière hormis cette saleté de reverb, pour moi ça a coupé toute émotion.

Pour ce qui est des choix artistiques assez décevants, ça m'embête car je comprends l'intention derrière ces trois choix, mais ça tape à côté à chaque fois dans mes oreilles. Les libertés artistiques sont fondamentalement les bienvenues, mais là ça casse la puissance des morceaux en question.

D'abord il y a l'idée de ne pas refaire le fameux "Il était une fois, toi et moi, n'oublie jamais ça, toi et moi" de Lettre à France. À la place, ce passage est parlé. Sauf que ça tombe à plat puisqu'on attend cette fameuse montée qui n'arrive jamais. Il aurait fallu une interprétation en béton ou au moins nous balancer ce passage dès le début avec un piano bien énervé pour que ce passage parlé ne soit pas dérangeant.

Ensuite il y a Holidays où c'est du pur chipotage de ma part, mais j'ai du mal avec la partie piano qui n'est pas aussi droite que les arrangements originaux. Les fins de mesure instrumentales après les différents couplets sont très appuyées rythmiquement ici, alors que c'était hyper carré dans la chanson originale. Je comprends parfaitement l'idée et en théorie ça marche, mais personnellement ça me sort du morceau.

Enfin, le plus gros ratage c'est Tout, tout pour ma chérie. Superbe idée le beatbox en guise de partie instrumentale, mais faut que ce soit un peu sec du beatbox, parce que là les trois kilos de reverb transforment ça en bouillie. Et alors le refrain, c'est pas possible non plus là... Que les "Pour ma chérie, ma chérie" soient parlés sur un refrain ou sur la première occurrence de la phrase dans le refrain à la limite pourquoi pas, mais strictement tout le temps, quel intérêt ça a ?

Je salue la volonté de proposer des versions réenregistrées assez différentes des titres originaux, mais pour moi ça tombe trop souvent à plat malheureusement.