"Qu’étaient ces cavités auprès de celle que j’admirais alors, avec son ciel de vapeurs, ses irradiations électriques et une vaste mer
renfermée dans ses flancs? Mon imagination se sentait impuissante
devant cette immensité." (Jules Verne, Voyage au centre de la terre)
Il est impossible, quand on pense à Vril, de n'être pas tenté d'établir un parallèle avec deux autres artistes de la scène techno, Rrose et SHXCXCHCXSH. Non pas que le producteur appartienne à cette scène ô combien restreinte ou les noms d'artistes sont autant de schibboleths, mais ils partage avec eux le fait d'être complètement inconnu, amenant bien plus à parler d'entité techno plutôt de simple producteur. Et puis surtout, les trois sont capables de déployer une techno explosive et dévastatrice, quel que soit le format utilisé.
Pour son deuxième album, paru chez le label allemand de qualité Delsin, on retrouve en effet ce qui sépare le bon grain de l'ivraie chez les producteurs techno : le passage à l'album, qui permet à un producteur d'affirmer son identité pour sortir de la myriade de projets sortant chaque année. Cependant, il n'est pas question ici de diminuer sa puissance de frappe au travers de choses aussi convenues que des interludes ambient ou des fields recordings, le but est de cogner le plus fort possible, confondant auditeurs et sac de frappe. Pas de tir de sommation ou d'introduction, on vise la tête et on parlera après, avec un beat massif dès les premières mesures de Portal 1.
Mais ce qui sépare Portal de la nuée d'albums pensés comme des munitions pour DJ ayant des tendances psychopathes, c'est la profondeur monumentale de l'oeuvre. Vril emmène certes l'auditeur plus bas que terre sous la pression des kicks, mais propose ici vraiment une oeuvre extrêmement homogène, qui n'est pas qu'une accumulation de tueurs de dancefloors bien que chaque morceau puisse souffler une piste de danse, pouvant d'ailleurs se retrouver aujourd'hui dans de multiples sélections. Chaque track semble n'avoir qu'une envie, vous faire entrer plus profondément dans le ventre de la terre à grands coups d'infrabasses et de percussions brutales et graisseuses à souhait. L'écoute au casque s'apparente d'ailleurs quasiment à de la spéléologie lorsque l'on évolue courbé sous la pression dans Portal 5 et Portal 6 pour enfin déboucher dans l'immense caverne dub techno qu'est la fin de Portal 7, où l'on réalise que décidément, il faudra désormais compter avec lui en cette année 2015. Celui-ci semble ici réaliser une synthèse parfaite de toutes les strates de la techno, et se permet enfin une petite conclusion sous la forme d'une techno indus dronesque terriblement boueuse qui achève de vous démonter les tympans.
Dans un hymne au subwoofer et aux volumes dangereusement élevés, Vril arrache les roches et déchaine les éléments, manipule percussions et métaux en fusion, ensevelissant une grande partie de la scène techno et menaçant de transformer ce qu'il en reste en fossiles. Affaire à suivre donc, en espérant que celui-ci continuera à proposer de telles pépites.