Les combos de légendes, je commence à m’en méfier. Après un très gorillo-bluresque The Good, the Bad and the Queen (Damon « Blur » Albarn, Simon « The Verve » Tong et Paul « The Clash » Simonon) et l’indigeste Lulu de Lou Reed et Metallica, j’avais été un peu déçu par le pourtant prometteur Them Crooked Vultures, où sévissait déjà Josh « Queens of the Stone Age » Homme, cette fois en compagnie de Dave « Nirvana » Grohl, et de John Paul « Led Zeppelin » Jones.
Mais voilà, j’adore Queens of the Stone Age. Et quand j’apprends que Josh Homme collabore avec Iggy Pop, forcément, je plonge. Pour ne rien gâcher, Matt « Arctic Monkeys » Helders est de la partie, mais il restera au rang de figurant dans ma fan-attitude.
Post pop depression est avant tout la rencontre de deux hommes : Iggy Pop et Josh Homme.
« Je lui ai proposé [de réaliser l'album] par texto, avec mon téléphone à clapet » (Iggy Pop)
Un troisième homme est aussi présent, brillant par sa cruelle absence. Se confiant au New York Times, Iggy Pop a affirmé que cet album a pris la même direction que The Idiot et Lust For Life, les deux opus que ce dernier avait fait avec David Bowie en 1977.
D’ailleurs, alors que je n’avais pas lu cette déclaration, une oreille discrète m’a fait souvent entendre la voix de Bowie dans le chant d’Iggy Pop.
Cette album est aussi la rencontre de deux styles : le punk et le stoner rock. Deux cousins proches qui ne se côtoient pas vraiment. Et pour anecdote, selon la fiche Wikipedia du Stoner rock, le style est aussi baptisé desert rock. Or, les deux rockers ont enregistré l'album dans les studios de Josh Homme à Joshua Tree, sa ville natale située dans le désert californien.
Mais Post pop depression constitue surtout une forme de rédemption pour les deux hommes, chacun à leur manière.
Pour Josh Homme, il s’agissait d’exorciser le Bataclan du 13 novembre 2015, où jouait Eagles of death metal, un autre de ses groupes. Après ce drame, il s’est plongé dans ce projet plus ancien.
« Le fait d'avoir à travailler là-dessus m'a sauvé. » (Josh Homme)
Pour Iggy Pop, il s’agit là d’exorciser sa légende. Dépasser cette stature de caricature du vieux punk qui chante torse nu.
« A ce moment de ma vie, je me sentais poussé par challenge de montrer ce que je valais, non pas en tant que symbole de quoi que ce soit, mais en tant qu’artiste. » (Iggy Pop)
Pour lui, le thème de cet album introspectif est :
« Que se passe-t-il après tes années de service? Et où est l'honneur? » (Iggy Pop)
Le concept est là. Les hommes aussi. Mais que vaut le résultat.
La première écoute m’a laissé perplexe. J’entendais parfois du Queen of the stone age. J’entendais parfois du Iggy Pop. Un va-et-vient entre les guitares lourdes du stoner rock de l'un et la voix lancinante de l'autre. Déroutant, sans jamais être déplaisant.
Et puis, à force d’écoutes, je me laissé bercer d’un côté à l’autre, sans jamais me laisser endormir. Et finalement, c’est bien là le sens de cet album. Les deux hommes jouent et se jouent de nous.
Break Into Your Heart entame l’album avec les guitares lourdes de Queen of the stone age, puis la voix d’Iggy reprend le pas sur la fin du morceau, nous susurrant son irrésistible présence.
Gardenia est l’essence de cet album. Iggy Pop s’y amuse et joue à l’iguane et à la souris tout au long du morceau. Josh Homme y pose sa voix. A l’image du disque, chacun veut prendre sa part. Mais dans ce morceau, Iggy Pop rappelle qui est le maître à bord. Il parle, puis se la joue crooner avant de reprendre un chant plus brute, parfois délirant. Par ses modulations, il rappelle que cette voix a vécu plusieurs vies.
Ce rock, il le libère complètement avec In The Lobby. Les guitares s’énervent, Iggy se fait plus percutant, appuyant sur chaque « sex », et un cri vient libérer tout ça. Le rock pur et dur revient
Ce désert qui l’a accueilli lui a peut-être inspiré son Vulture en prenant des accents de western. La guitare prépare au duel, comme un défi à l’iroquois Iggy Pop.
Le dernier morceau Paraguay est pour moi une curiosité. Car mon oreille distraite et mon niveau d’anglais resté scotché sous un bureau de classe de terminale me font entendre « Au-revoir » au lieu de « Paraguay ».
Assoiffé de découvrir la rencontre de deux musiciens que j’admire, cet album du désert agit à la manière d’un mirage, reflet irrésistible et insaisissable d’un oasis musical.