Après un long temps d'attente, POWER UP, le nouvel album d'ACDC est enfin dans les bacs (virtuels pour la plupart, en ce moment…), à grand renfort de réseaux sociaux ; ce à quoi le groupe et ses équipes se sont petit à petit résolu… une opération de com' parfaitement orchestrée, pour la plus grande excitation des fans !
D'abord la pochette de disque, qui pour une fois n'est pas trop moche. Je dirais même que si j'étais encore un gosse, elle me ferait bien triper. L'histoire récente du groupe est là, simplement exposée. Lettres en néon de ce rouge diable, comme en veille, qui éclairent faiblement un local où l'on devine que tout est rangé, remisé ou bien alors prêt à jouer. On s'attendait à ce que, frappés par le deuil, la maladie, ils raccrochent définitivement les guitares et partent en EHPAD avec Axl Rose mais l'esprit du groupe (représenté par son logo, exposé comme si il était aussi célèbre qu'une grande marque - et il l'est, de fait), de la force de cohésion, de camaraderie, de plaisir qu'elle représente et qui dépasse les individus du groupe, pour être quelque chose de presque universel, est resté allumé, prêt à être rebranché ! POWER UP : ILS SERONT TOUJOURS DE RETOUR (et sans Axl Rose, merci) !
Le premier single Shot in the dark, sorti bien en avance, a fait partie de mon univers et a représenté ce que serait cet album pendant plusieurs semaines. Lâché avec un petit teaser de quelques secondes qui nous avait donné beaucoup de joie avec un aperçu de ce nouveau son, on avait pu déjà goûter à un style de mixage classique mais efficace — bien de notre temps, je trouve et différent des trois derniers albums.
C'est ce qui avait fait la signature du groupe dans les années 80 (et même déjà avec Bon Scott sur "Highway to Hell", je trouve) et qu'on avait un peu perdu depuis le renouveau créatif de "Black Ice", "Stiff upper lip" ou "Rock or Bust", qui ont un son particulier chacun mais chaque fois assez transparent, analytique, presque froid ; en tout cas bien moins chaleureux, puissant que Back in Black, bien moins monstrueux.
Comme la colonne vertébrale Angus/Brian fait le groupe, c'est le rapport voix / guitare dans le son qui est pour moi véritablement l'ADN d'ACDC.
Ainsi, c'est le mauvais mix qui fait dire que "Flick off the switch" ou "Fly on the wall" sont des mauvais albums. Je ne suis pas trop d'accord ; ce n'est pas que les compos sont moins bonnes sur ces albums des années 80 (même si ils sont moins mythiques que "Back in Black" et "For Those about to rock"), mais que la production y est catastrophique (en particulier sur "Fly on the Wall") : la voix se perd dans des reverbs et delays illisibles.
Je parle de ces albums pas très populaires (mais que seuls les vieux fans ringards comme moi aiment encore) parce que certaines tournures mélodiques, bouts de riffs, de Power Up, ou encore les effets sur la voix me font penser par moment aux titres de cette période.
Avec Shot in the dark, on redécouvre donc un son efficace, transparent, puissant ; et l'interprétation est groovy, joyeuse, bref, un grand rayon de soleil, et un teaser parfait pour l'album, qui m'avait mis un grand smile sur le visage pendant des semaines. ça laissait aussi présager d'un renouveau : les "gang vocals" dans les couplets par exemple, grande nouveauté.
Ici, la basse est très présente. Le son est moins sec que dans les années 2000-2010, avec des reverbs présentes mais pas envahissantes : c'est généreux, agréable. La voix de Brian, en grande forme, plus que jamais mélangée et en symbiose avec les guitares. Même si la voix est souvent doublée avec chorus ou delay, elle est légèrement en retrait et on pressent peut-être, malgré le groove, la patate et les aigus toujours héroïques, qu'il a quand même encore pris un coup de vieux et ce mix lui permet de rester à la fois comme protégé, nimbé de la puissance des guitares.
Et l'album arrive…
Realize : une grande baffe, après 2 ou 3 écoutes — je crois que c'est un "instant classic" à cause des choeurs plus directs que Thunderstruck et des riffs calibrés pour ça, mais pas seulement. La composition paraît complexe à première vue pour du ACDC : les premières interventions de Brian, le grand retour du papy prodigue, se mélangent à des figures rapides de Angus, et sur un système d'écoute un peu limite, cela peut donner un début d'album un peu ardu. On reste sur la même tonalité sur tout le morçeau, sauf sur le solo — cela donne une résonance, une ampleur au morçeau.
Dans Hell's Bells ou Back in Black, Brian déboulait comme un diable en disant qu'il allait tout casser, c'était le meilleur hommage à faire à Bon Scott. Realize est un magnifique hommage à Malcolm : 40 ans après, sur la fin de leur carrière, les paroles parlent d'un commencement : du premier moment où un musicien, ou une personne, se rend compte de son don, de son pouvoir ! On imagine un jeune homme - Malcolm - jouer ses premiers riffs et réaliser son potentiel ! c'est un hommage somptueux en même temps qu'un encouragement pour la jeunesse à reprendre le flambeau.
Rejection :
Dans la discographie d'ACDC, on peut souvent remplacer le mot "rock" par "sex", la puissance du son est la métaphore de la puissance sexuelle. Si c'est un peu le cas dans la première chanson ; ce n'est pas trop le cas dans le reste de l'album, avec plutôt du premier degré.
en effet on pourrait comprendre les paroles de Rejection comme un appel à la violence… voire au viol… ? j'avoue que si j'adore la compo, bien calée dans son 4 4 et ses riffs qui sentent la sueur, où les guitares sont justes parfaites, avec un son hyper large et les choeurs très fun, bref, c'est bon car pas de chichis ici — les paroles me laissent un peu circonspect…
Shot in the dark : le premier single (désormais classique !) prend place dans la suite de l'écoute de l'album, et c'est un morçeau qui paraît plus léger que les autres, pas prise de tête — un peu comme l'était Rock the Blues Away sur "Rock or Bust", 3e morçeau aussi de l'album, titre très fêtard, mais plus cul-cul que Shot in the dark qui est plus fendard.
Through the mists of time : titre assez pop, peut-être, car plus mélodique ; de ce point de vue : mélodie + son énorme, je le rapprocherais de Dogs of War, qui était tout de même un titre à la production un peu inhabituelle. Cette fois, pas de fades, pas trop de post-production qui rende le titre un peu impraticable en live. L'interprétation est parfaite. Quelle puissance et quel son de Stevie Young, notamment sur le solo d'Angus ! Il prend vraiment sa place dans le groupe ici. Brian est grandiose avec son texte un peu heroic-fantasy et les choeurs présagent de grands moments en live. C'est encore un hymne à faire se lever les stadiums. Et je dirais aussi que c'est un titre tout à fait adapté à des covers intéressantes, ce qui est un exercice qui me déçoit toujours (Hayseed Dixie mis à part). Mon chouchou pour l'instant !
Kick you when you're down : Quand je vous disais que la voix passe dans plein d'effets ! On l'entend bien reverbérée au début, là. Le riff est un peu country, comme souvent dans cet album et depuis les années 2000. C'est à dire que ce ne sont pas des riffs "en bout de manche" d'emblée, de ceux qui envoient du lourd avec les cordes à vide. Il y a moins de bourinage, plus de subtilité, moins de résonance ; et au début du morçeau la basse reste seule dans le grave avec la guitare. Et les vocals sur "oh no", très cool, très traités aussi, rattrappent ce manque de "power chord". Cela permet de ménager patiemment (enfin c'est relatif sur 3'10, en tout cas c'est plus patient que les intros dans l'album "Back in Black" par exemple) l'arrivée de l'énorme son, plus classique et auquel on s'attend !
Dans Witch's Spell, Brian a une de ces pêches ! La petite dissonance sur "Spell" et "Tale" est assez rare et apporte une petite couleur un peu nouvelle chez eux. Le son du couplet avec les delays sur la voix me rappelle trop le son de "Fly on the wall".
No Man's Land me rappelle aussi certains titres des années 90, et je dois dire que le riff du début fait très cornemuse, comme un lointain écho à cet incroyable titre : It's A Long Way To The Top !
Systems Down, Money Shot, Code Red
de bons titres, qui me rappellent un peu les morçeaux un peu secondaires de "Flick off the switch" (Systems Down a un air de Bedlam in Belgium) ou les mélodies entraînantes de "Razor's Edge" (Money Shot rappelle Let's make it ou Mistress for Christmas…), Code Red a un petit air de Goodbye & Good Riddance to Bad Luck. On regrette que ces "faces B" ne soient jamais jouées en live, même on espère toujours une bonne surprise.
Pour finir, je dirais que c'est comme si, pour cet album testament, peut-être le dernier, ils avaient réécouté toute leur production pour garder le meilleur. Des titres comme Realize amènent presque une nouvelle manière, comme le début d'une nouvelle ère, ce qui est remarquable pour un groupe qui ne cesse de se renouveller !
Quel bonheur que cet album !