Prequelle : de la suite dans les idées

Prequelle, c’est le 4eme album studio de Ghost, ce groupe si médiatisé, porté à bout de bras par Tobias Forge, un type qui a pas mal roulé sa bosse dans divers projets, hard rock, death, thrash, sans pour autant connaître un grand succès.

En ce qui me concerne, c’est l’album avec lequel j’ai découvert le groupe (mieux vaut tard que jamais). Je connaissais bien évidemment la réputation de ce bonhomme grimé tantôt en Papa Emeritus, tantôt en Cardinal Copia, mais j’avoue ne pas y avoir prêté attention plus que cela.

Cirice, single issu du précédent album Meliora (2015), lauréat d’un Grammy Award avait bien plu à mes oreilles, mais je n’avais pas creusé plus loin.

Mais comme nous sommes dans un monde d’hyper-connectivité et de violation de vie privée consentie, mon Spotify m’a indiqué que Prequelle sortait en ce mois de juin 2018, alors je me suis dit, allez pourquoi pas ? (C’est mieux que de se dire que l’appli m’a ordonné de l’écouter)

Depuis, personnellement, j’ai fait un petit bout de chemin et j’ai pas mal saigné la discographie de Ghost, alors je dois dire que Spotify a eu l’algorithme creux en me poussant à écouter cet opus, car il est réussi.

Ghost, c’est un véritable phénomène dans le monde du metal actuel, il génère autant de succès que de hate. Pour moi, ce dernier point est aussi un indicateur de réussite, mais je n’ai pas envie de rentrer dans un débat d’idées, ce n’est pas le but de cet écrit.

Le son du groupe suédois se traduit par un hard rock très old school tant au niveau de la composition que de la production. Des guitares heavy mais tassées dans une prod un peu étouffée. En revanche, la formation de Forge mise essentiellement sur une théâtralité et une atmosphère coincées entre kitsch et film d’horreur de série B.

L’imagerie sataniste et maléfique qui entoure le groupe fascinera ou suscitera la moquerie au choix. Toujours est-il que visuellement, Ghost met le paquet. Sur scène bien sûr, avec décor et tenues à l’appui (bien aidé par le succès commercial fort heureusement) mais aussi sur les pochettes d’album.

Celle de Prequelle est remplie de détails morbides, que je vous laisserai le soin d’interpréter. A noter qu’il existe même une version deluxe avec un effet 3D pour renforcer l’expérience visuelle.

Mais c’est bien l’expérience sonore qui nous intéresse ici, et après ce long préambule, j’en viens au fait. Prequelle est un album extrêmement homogène, ce qui est probablement dû au fait que, sans forcément être un concept-album, le disque s’appuie sur un thème bien précis : la Peste Noire, qui a ravagée l’Europe au XIVe siècle. Et fort logiquement cela commence par Rats.

Un premier morceau détonnant, qui envoie la sauce bien comme il faut. Ultra-accrocheur, le refrain est une véritable réussite. C’est de toute façon une des raisons du succès de Ghost au travers de ses singles devenus des classiques de concert.

Justement, pour ce dernier point, le groupe a souvent été tancé. Seulement, je pense que cela fait bien longtemps que la scène hard/metal n’avait pas connu tel fournisseur de tubes depuis les grands groupes des 80’s et la vague grunge.

Bien sûr, le style de composition n’a rien d’original. Oui, le groupe est, musicalement très proche d’un Blue Öyster Cult qui est déjà adulé de tous. Mais en cette fin de décennie, force est de constater, que ça plaise ou non, qu’on tient là une future grande tête d’affiche de festival, et un leader de la scène (si tout se passe bien).

Prequelle est rempli à ras bord de tubes, et le groupe ne s’y trompe pas puisqu’à ce jour, il a déjà épuisé tous les morceaux sur scène.

Rats, Faith, Dance Macabre, Witch Image expriment la facette heavy et les racines metal du groupe, et sont tous des singles potentiels. Mais seuls les 3 premiers cités auront cet honneur. Sur le plan mélodique il n’y a rien à redire, c’est simple efficace et brillamment composé.

Faith possède cette aura écrasante, illustrée par des riffs tranchants et lourds, tempérée par un refrain au tempo un poil plus lent, pour nous inviter dans une sorte de montagne russe hard rock. Les solos de guitares sont également très inspirés. A l’image de celui de Faith, ils ne se perdent pas dans un exercice de style trop m’as-tu-vu. Ils constituent une belle plus-value et élèvent le niveau du morceau.

Dance Macabre quant à lui est bel et bien LE tube de l’album qui ne quittera probablement jamais ou très peu les setlists du groupe, avec un riff très accrocheur et une section rythmique qui en fera taper du pied plus d’un. Le refrain se chante d’ailleurs automatiquement.

Prequelle possède aussi de savoureux moments plus délicats. Des balades magnifiées par le sens de la mélodie de Tobias Forge. Mine de rien, cela semble inné chez ce monsieur, tant mieux. Pro Memoria et Life Eternal sont deux petits bijoux de mélancolie et d’intensité.

Enfin, comment ne pas mentionner Miasma et Helvetesfönster, les deux instrumentales brillamment construites. Chaque instrument (et même un saxophone !) prend la parole et de quelle manière !

Prequelle, c’est une ambiance, un tout, et c’est ce qui en fait un excellent album. Oui il n’invente rien. Oui il n’a rien d’original (quoique Miasma…). Mais tout ce que fait Ghost depuis ses débuts est cohérent. Le capitaine du navire tient la barre fermement, et suit son cap à la perfection. Ce qui fait la force de cet opus, c’est qu’il n’en fait ni trop, ni pas assez. C’est un juste milieu.

Pour cet album, il s’est orienté vers une atmosphère prenante, qui conte une certaine vision de la Peste Noire. Lorsque je perçois un tel équilibre entre l’efficacité mélodique et l’effort de composition, je me dis que l’artiste transpire la passion par tous les pores. Tobias Forge est un vrai passionné de sa musique. Et ça fait du bien.