Je ne pouvais pas faire l'impasse sur ce premier album longue durée de Tetragrammacide, un des albums majeurs de 2017 en black bestial.
Pour mémoire, ce groupe indien (eh oui) a fait parler de lui en peu de temps, puisqu'ils ont sorti en deux ans (2014 et 2015) une série de petits formats (démo, EP, split et poussant même le vice jusqu'au single) qui ont fait bien mal par où ils sont passés. Il faut dire que l'entité du Bengal Ouest cultive un black vraiment extrême, un style dérivé du bestial qui repousse la limite de l'inaudible de quelques crans. C'est Nyogthaeblisz qui avait lancé cette tendance avec son abominable démo Progenitors Of Mankind's Annihilation en 2003.
Sans aller jusqu'à dire qu'il y a eu une horde de suiveurs, le mouvement a fait quelques émules, ce qui a conduit à la formation d'une scène pouvant se réclamer de ce sous-genre de black metal : une base de black bestial avec un son affreux, souvent lo fi, saturé à l'extrême et avec des influences noise plus ou moins prégnantes. Autant dire que ce style est insupportable pour 99,99% des gens (même ceux qui sont sourds, c'est dire).
Même si ces sorties sont généralement très difficiles à aborder, il s'en dégage une ambiance terriblement intense de fin du monde, devant lesquelles les amateurs d'atmosphères apocalyptiques ne peuvent rester indifférents. C'est pour cela que, en inconditionnel de metal extrême sous toutes ses formes, j'ai fini par m'intéresser à ce courant complètement à part.
Tetragrammacide avait déjà fait fort avec ses petites sorties. Mais pour leur full length, ils ont clairement mis de l'eau dans leur vitriol.
Primal Incinerators Of Moral Matrix est un album que l'on peut apprécier pour ses qualités strictement musicales. Sans pour autant faire dans le mélodique, on ne peut que constater que les riffs sont bien audibles, intelligibles car mis en avant dans la production. Production qui est tout sauf confuse ; elle réussit la prouesse de dompter ce spectre sonore tellement chargé, avec une saturation sur les instruments encore à la limite de l'outrancier, et de nous offrir un rendu plutôt accrocheur. Batterie et chant sont certes sous-mixés, mais on souffre tout de même pour le batteur qui se démène comme un forcené et pour le vocaliste qui s'égosille à s'en arracher les cordes vocales.
Rien qu'à écouter le premier morceau après l'intro, on a ce fameux passage en milieu de titre avec une guitare en lead qui fait dans le mélodique ; certes, ça bave un peu sur les bords, mais c'en deviendrait presque agréable à l'oreille.
Tetragrammacide a décidé de faire l'impasse sur le noise, cette fois-ci, excepté pour la toute fin du disque. Choix qui s'est avéré judicieux, car l'essence du groupe est demeurée intacte : l'ultra-violence est toujours, plus que jamais ai-je envie de dire, de mise, et le groupe propose toujours ses interludes bien à lui, noisy et ambient avec des touches orientales et tribales qui fonctionnent bien.
Le riffing est ultra solide et l'album reste très immersif malgré son indéniable linéarité. On est toujours dans le bestial, c'est clair, mais il y a un gros travail de composition et une exécution soignée. On peut même dire qu'il y a des passages assez géniaux, comme sur Imperial Cyanide Volitgeurs... avec ses riffs à déboiter les cervicales, alternant tapping, arpèges et trémolo avec brio.
Tetragrammacide reste un groupe à l'extrême de l'extrême, bien qu'il se soit un peu assagi pour permettre à l'auditoire de supporter sa musique sur presque quarante minutes. Je trouve qu'ils ont trouvé le bon compromis entre le bestial et le noisy, gardant le cap des débuts tout en arrivant à développer une véritable accroche musicale. Ils ont énormément grandi dans mon estime.
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