Honnêtement, je n'attendais pas grand chose de 2021 niveau jazz. Surtout après que McCoy Tyner en 2020 et Chick Corea en février de cette année aient disparu, ça m'a laissé un trou béant dans mon petit cœur desséché de boomer de 21 ans. Et puis, au départ, Pharoah Sanders, c'était surtout pour moi ce qui s'apparentait à des couinements et des cris de cygne, donc pas grand chose qui m'intéressait au départ. Puis, une fois mes préjugés sur Sanders lavés avec Journey to the One, je me suis ouvert à sa discographie, avant de découvrir à la fin de l'année 2020 des déclarations sur le futur album de Sanders, avec un jeune DJ que je ne connaissais pas. Avec les mois qui passaient, j'en attendais beaucoup et ne fus pas déçu lorsque ce petit bijou sortit le 26 Mars 2021.
Ici, Sanders, octogénaire et presque dernier de toute sa génération, tend la main à la nouvelle, plus orientée vers l'électro, incarnée dans le disque par Sam Shepherd, aka Floating Points, créateur d'électro expérimentale. Ses deux albums, que j'avais écouté avant d'entendre Promises, me semblaient presque trop expérimentaux à mon goût. Aussi, je comprenais la recherche d'alchimie entre lui et cet autre expérimentateur qu'est Sanders, mais je ne voyais pas, au départ, comment la mayonnaise pouvait prendre, surtout quand au dessus de tout ça t'as l'énorme et impressionnant Orchestre Philarmonique de Londres pour couronner le tout. Jazz spirituel, électronique et musique orchestrale. Comment ? Et la réponse est simple : Bloc de marbre.
Parce que oui, le bloc de marbre c'est je trouve une bonne métaphore pour expliquer Promises. L'album n'est pas une collection de titres, mais bien plutôt une collection de variations (appelées Mouvements) sur un thème créé par Floating Points. D'ailleurs, ce thème sera si omniprésent durant tout l'album qu'une certaine lassitude à l'entendre se fera probablement jour après 30 minutes. La musique va crescendo, d'abord Floating Points tout seul, puis accompagné par Sanders, puis l'énorme Orchestre Philarmonique, qui créé un acme, une catharsis qui s'achève puissamment.
Puis, retour au calme, à un cadre intimiste, accompagné de quelques notes, éparpillées ça et là, accompagnées de quelques effets discrets, presque inaudibles, avec un retour, timide de Sanders. La fin du mouvement 7 reste cependant mon préféré : une forme de mixtion, de relation intrinsèque entre la musique répétitive, futuriste de Flaoting Points et le saxophone criant, assez free de Sanders, qui constitue pour moi la véritable nature de cet album : la relation entre les générations. L'ancien jazz et la nouvelle musique électronique ne sont pas des antagonistes. Ils sont autant de moyens d'expression d'une recherche musicale qui, combinés, peuvent trouver de nouvelles synergies, de nouvelles puissances.
Les vieux de la vieille, qui cherchent peut-être à retrouver dans le son du saxophone leurs vertes années perdues, seront déçus par cet album. Parce que c'est une ode on ne peut plus claire à la modernité, et une déclaration solennelle. Non, le jazz n'est pas mort avec Miles, pas plus qu'avec Tyner, Corea, ou plus tard avec Hancock et Sanders, quand ils ne seront plus avec nous. Comme toujours dans son histoire, il s'hybride, propose de nouvelles manières de penser la musique, et de voir la monde par son prisme. Et, au final, Promises n'est-il pas un bon moyen de voir que le futur du Jazz est dans sa fusion, dans son hybridation avec l'électrique ? N'est-ce pas, dans l'évolution de la manière de penser la musique, son évolution logique ?