Une époque doucereuse où l'on laisse couler le temps le long d'un monde sans aspérité, sans passion, sans sens. Un monde apolitique et sucré. Un monde où l'on se sent en sécurité, après tout, nos bons maîtres nous ont promis l'accès à la vie éternelle, alors, ce serait trop bête de prendre des risques maintenant.
Un monde où l'on est devenu trop fragile pour supporter la moindre décharge émotionnelle ; le moi si sacralisé, si bunkerisé, si aseptisé qu'on ne se risquerait pas à y laisser entrer un peu de ce romantisme viscéral qui transforme, corrompt, qui inocule la pulsion destructrice et auto-destructrice.
On ne se risquerait pas à y laisser entrer un germe de conscience, de désir immoral c'est-à-dire déphasé c'est-à-dire révolutionnaire.
Ce n'est pas l'absurde du XX-ème. Au contraire, on a pas connu la violence, et on ne la connaitra jamais. Notre problème, c'est plutôt la rentrée scolaire.
Non, c'est une nouvelle vague d'absurde. Aujourd'hui, si l'on ne produit plus de sens, c'est parce que ce serait méchant. Débauche de surréalisme, d'humour, de déconstruction, de n-ième degré, simulacre de subversion. La Femme, Salut c'est cool, Sexy sushi ; même non-combat. Si l'on ne produit plus de sens, c'est aussi qu'on a rien à dire. "Prends le bus ; le taxi, c'est trop dangereux. Nous, on ne veut plus broyer du noir. Mieux vaut aller à la plage pour rechercher un peu de sensations." D'ailleurs, c'est difficile de créer quand on a plus cette sauvagerie en soi. Mais bon, on peut toujours recycler le passé après l'avoir vidé soigneusement de toute sa substance.
Je lance l'album, et vite, je retourne sous ma couette pour prolonger ce doux rêve ... Ce doux rêve cosmopolite, le monde entier me materne ... Paris, Berlin, America, voix d'une gentille Jeune Femme qui me berce. Après tout, pourquoi aller chercher plus loin que La Femme ? Elle me comble, tout va bien. Tout va bien.