Psycho Tropical Berlin par Panda-Panda
Depuis le 2 mars 1991, un mal ronge notre pays, un fantôme plane au dessus de la France, il s’appelle Serge. Plus les années ont passé, plus nos artistes ont semblé souffrir d’un complexe d’infériorité. Il faut dire que Gainsbourg savait manier la plume sur fond de mélodies pop qui n’avaient pas à rougir des pays Anglophones. Si dans les années 80, de jeunes gens mödernes avaient bien réussi à faire bouger les choses, il aura fallu attendre encore le début de cette décennie pour voir apparaitre des groupes décomplexés. Mustang, Aline, Lescop, Granville… Bien que les références soient changeantes, tous ont essayés de montrer avec plus ou moins de succès que l’on pouvait faire coexister deux mondes : une musique influencée par les pays Anglophones sur des textes en Français. Il était temps.
La Femme a dégainé le premier, du moins, s’est fait remarquer avec sur la planche un titre frénétique porté par des guitares surf. Honnêtement, les premières fois avec La Femme ont été des plus anodines. Un concert désastreux et des chansons qui nous paraissaient, jusque-là sans éclats, nous faisaient craindre le pire. Avec le temps, on a apprit à l’apprivoiser, aimer ce qui nous agaçait au point d’attiser sérieusement notre curiosité au sujet de leur album qui tardait à faire son apparition. Ils ont dégainé les premiers mais c’est finalement eux qui viennent clôturer le premier chapitre de cette nouvelle scène, avec brio s’il vous plait.
Psycho Tropical Berlin, un titre absurde à l’image de certaines paroles clamés par le groupe mais qui représente pourtant bien le ton du disque. Dès Antitaxi, on rentre dans le monde de La Femme, c’est un bordel qui célèbre l’apocalypse avec psychotropes à gogo. Les synthés froids tranchent avec la folie ambiante qui survole chaque composition. Au-delà des chansons, excitantes pour la plupart, la force du groupe réside dans l’étrange atmosphère qui habite le disque. Bien que l’album soit nerveux, l’ambiance inquiétante voire effrayante est omniprésente. Tout part en vrille sur Psycho Tropical Berlin mais La Femme, qui ne tourne pas rond, s’en fout. Pleine d’insouciance elle s’en amuse, se défoule sur cette farce macabre, cette représentation hallucinée d’un cirque glauque et malsain. Bien que les groupes précités possèdent des qualités (en particulier Mustang, on le rappelle), La Femme a ce supplément d’âme, La Femme est bizarre.
Cet album n’est pas parfait, il pêche par gourmandise en voulant en mettre peut être un peu trop mais les compositions sont solides et enivrantes. Surtout, Psycho Tropical Berlin donne enfin l’impression qu’il se passe quelque chose en France, qu’une autre voie est possible. C’est un réel coup de pied au cul dans le paysage musical Français et on en est les premiers étonnés. Serge Gainsbourg nous hante peut être encore mais un groupe a enfin osé danser sur sa tombe.