Psychocandy par XavierChan
Il fallait attendre et entendre le son de The Jesus and Mary Chain pour connaître quelque chose de nouveau au milieu des années 80, l'électrochoc qu'une poignée de types allaient prendre en pleine poire au moment où il fallait accepter une donne : le rock n'était plus ce qu'il était. Les pionniers se sont adaptés à la mode de chez nous (synthétique et ô combien pop), les rockeurs Metal sont tombés dans le kitsch et l'auto-caricature (tu as vu comment elle cogne bien vide ma batterie ?) et les icônes rock ont perdu toute crédibilité même aux yeux des fans (David Bowie, The Rolling Stones). Sale période.
Les frères Jim et William Reid, dark comme il faut, tête baissée, ont compris qu'il était temps de passer à autre chose, de faire exploser la platine vectrice d'émotion brute à coups de feedbacks et de larsens dévastateurs car là est le projet : convertir une bonne mélodie pop à coups d'effets bricolés particulièrement techniques et lui faire épouser une forme jusque là inconnue au bataillon. Ou comment se démarquer en proposant un titre d'apparence calibré pour la FM transformé pour l'occasion en un hymne qui fera se bastonner bien des garçons lors des courtes performances live du groupe. Et le chef d'œuvre Psychocandy en est le digne représentant, florilège pléthorique de titres doux comme des agneaux, avant que ces mêmes agneaux passent à la moulinette et qu'ils se mettent à crier comme des porcs. Le premier titre, Just Like Honey, est la pièce maîtresse de l'œuvre, celle qui résume toutes les contradictions du groupe : rêverie enchanteresse, ô combien liquoreux, doux comme du miel, mais dont le goût laisse échapper par petites touches de réelles saveurs explosives. Le titre sera repris par Sofia Coppola pour le final de Lost in Translation. C'est exactement ça, cette sensation d'être perdu au milieu de nulle part, le fait d'être dans une dimension pas bien perceptible, difficilement localisable. Est-ce qu'on est au garage, au septième ciel, ou bien dans un chaudron bouillonnant ?
Les deux morceaux suivants, absolument éreintants au casque, vous filent les oreillons. La suite est un pur récital de grands morceaux. The Hardest Walk, le meilleur titre de l'album, est d'une simplicité incroyable. La rythmique est connue, les paroles sont douces, mais le solo de guitare passé la première minute est ce qu'on pourrait appeler une pure fusion sonique. Fusion des sens et des sons, crissements, vitres explosées, la scène ne ressemble plus à rien et à l'album de virer dans le n'importe quoi le plus ludique et le plus passionnant qui soit. On ne sait plus si l'on joue dans la cour des ballades ou si l'on est dans la centrifugeuse. Le résultat est impeccable, passionnant, pas toujours plaisant car l'atmosphère est métallique, industrielle, mais dans toutes les circonstances, toujours musicale.