Les apparences sont souvent trompeuses. Tellement qu'on finit par s'habituer à la surface des choses pour éviter de la gratter, que ce soit par paresse ou par dédain.
Les années 1980 sont souvent perçues comme une espèce de cancer pour la musique et en particulier le rock. On a évidemment eu pendant longtemps un regard biaisé sur cette époque. On ne pouvait pas s'empêcher de juger et de jeter à la poubelle une génération à cause d'un mainstream gangrené et différent de celui de la décennie précédente. L'époque avait changé et l'industrie musicale aussi. Le punk avait permis de renverser des dinosaures bien trop sûr d'eux et de démocratiser la musique pour tous. C'est normal, c'est un cycle naturel: une musique en chasse une autre pour la remplacer, jusqu'à qu'elle se fasse dévorer toute crue par une autre qui correspond mieux à son époque.
Après le punk, ce fut la new wave qui arriva, rejoint rapidement par la synthpop et comme toutes les vies d'un genre, après plusieurs années de créativité, ce fut le déclin. Si la première moitié des 80s échappe encore à peu près aux quolibets des vieux croulants fan des années 1970, pour la seconde moitié, c'est autre chose. 1985 marque la pire période du rock. La new wave et la synthpop deviennent faisandées, les belles années du post-punk sont passées et l'industrie musicale commence à imposer trop facilement des produits plutôt que des artistes.
Forcément, quand on a les yeux rivés sur le top 50 de cette période (en particulier en France), on a de quoi être horrifié. C'est à ce moment précis qu'une nouvelle ère commence: celle des petits labels indépendants, de l'underground, du "rock indé"... Qui n'est pas un genre mais plus une mentalité qui a disparue aujourd'hui.
Psychocandy n’est pas seulement un disque culte: c’est un disque clé. Un disque qui permet de comprendre la jonction entre ces deux périodes: les débuts du Do It Yourself musical de l'après-punk et son explosion commercial (avec Nevermind). La popularité de cet album est contextuelle, comme tous les classiques proclamés par les critiques, mais pas seulement. Certes, l'idée de fusionner une pop d'inspiration 60s (principalement les Beach Boys) avec des distorsions de guitares particulièrement agressive n'est pas vraiment original. Le Velvet Underground faisait cohabiter sur un même album ses sucreries pop et ses dérives bruitistes. Pourtant, à aucun moment, elles ne se retrouvaient sur un même morceau. Les frères Reid, alors surtout connus pour faire des concerts d'un quart d'heure car s'achevant inévitablement dans une émeute incontrôlable, s’appliquent à le faire ici et posent par la même occasion les bases du shoegaze.
Le son des années 1990 se définit donc en partie ici. Ce qui ferait alors de cet album une exception dans une décennie froide et peu excitante ? Faux, les Jesus and Mary Chain ne représentent qu'une facette de ces années longtemps restées obscures mais désormais réhabilitées.
Historiquement, il s'agit donc d'un jalon important mais fort heureusement, Psychocandy traverse les années pour des raisons artistiques. Non, il ne s'agit pas uniquement de bruit, mais de chansons. Ces Écossais sont des songwriters parmi les plus doués de leur génération. Des mélodies sucrées et inoubliables saupoudrées de larsens à faire grimacer les moins courageux. Un mélange délicieux car contre nature sur le papier (le titre de l'album n'est-il pas déjà explicite à ce sujet ?). C’est cette raison qui pousse ce disque vers le haut, et en fait une des plus grande réussite de cette décennie.
Pendant longtemps, j'ai cru que les années 1980 étaient une décennie de strass et paillettes où rien ne dépassait. Puis j'ai découvert Psychocandy et je me suis rendu compte de mon erreur. Les années 1980 pouvaient être créatives, sans compromis et ludique.
La pire période du rock ? Si on est attaché aux vieilles reliques du passé, c'est bien possible. Heureusement, ce n'était pas mon cas.