Nés Pour Briller
Coachella par deux fois, des dates sold out aux quatre coins du monde pour la nouvelle tournée. En l’espace de deux albums seulement, L’Impératrice est devenu l’un des produits d’exportation made in...
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le 8 juin 2024
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Succéder à l’excellent Tako Tsubo n’est pas une mince affaire. L’album de la révélation, française et internationale, nomination aux Victoires de la Musique, tournée triomphante. L’Impératrice se repose-t-elle sur les lauriers d’un deuxième album qui côte, réservoir à mélodies et à tubes imparables?
Quelle surprise que la sortie de ce Pulsar ! J’ai appris l’arrivée parmi nous de ce troisième album il y a quinze jours, je ne suis plus avec autant d’assiduité les aventures de la belle Flore et de ses amis, bien que je garde une immense tendresse pour le sextette parisien. Nous nous étions quittés fin mai 2022, après ce concert exceptionnel au 106 et ces échanges de banalités avec des artistes charmants. Quelle belle et longue nuit, c’était il y a si longtemps, comme si c’était hier…
Quelques singles ont pointé le bout de leur nez depuis Tako Tsubo, tous appréciables et appréciés par ailleurs, « Everything Eventually Ends », « Heartquake », suivi par l’arrivée d’un nouvel étendard, « Me Da Igual », hymne au relativisme typique d’un état d’esprit plus valable une fois passé Mantes-La-Jolie. J’aime l’Impératrice parce qu’ils sont déphasés, s’affranchissant du classique « retour vers le passé » pour s’y plonger eux complètement.
Naturellement j’ai acheté le disque, naturellement c’est une autre réussite. L’Impé, ça marche (pub pour lessive), une recette qui fonctionne et qui fait d’autant plus ses preuves aujourd’hui.
Que vaut ce Pulsar, semi-surprise ? Il débute par un instrumental, « Cosmogonie » (Théorie expliquant la formation de l'Univers, de certains objets célestes, dictionnaire Le Robert, 2024). comme Matahari. C’est spatial, et l’adjectif reviendra beaucoup. On groove, c’est efficace. La belle Flore s’affranchit et s’essaie à une techno du plus bel effet sur « Amour Ex Machina », les robots peuvent-ils t’aimer ? Elle affirme, gracieuse, que oui, j’ai fort envie de la croire. Sa voix s’envole, filet gracile mais toujours juste : quel plaisir de la retrouver…
« Me Da Igual » suit, le « Peur des Filles » de Pulsar, pas d’hymne féministe, juste une invitation à relativiser son malheur, « puisqu’à la fin, tout n’est que poussière ». C’est le premier single de Pulsar et un nouvel emblème pour l’Impératrice, révélateur d’un spleen qui disparaît. C’est un nouveau temps, une nouvelle époque qu’il convient de croquer à pleines dents.
Arrive le troisième single, l’excellent “Love From The Other Side”, le retour à la moiteur des clubs, propres, mais il y fait si chaud. L’Impératrice s’essaie encore avec succès à la superposition des pistes vocales, et c’est la seule piste à proposer un écart dans les chemins synthétiques qui avaient tellement caractérisés Tako Tsubo, parfois même jusqu’à outrance. On peut ramener ça à du Cigarettes After Sex percussionné, c’est génial.
« Danza Marilu », en collaboration avec l'artiste italienne Fabiana Martone, a fait ses premières armes à Coachella, les américains aiment. Là aussi, quid du regard des autres ? La danse, comme les diamants et la jeunesse, est éternelle. Les violonnades apportent ce côté disco, enfin assumé par l’Impé, et cela fait du bien.
« Any way », collaboration avec la prometteuse Maggie Rogers, espoir indé, ouvre la face B en écho au sous-côté « Masques » de Matahari. Les voix des filles s’entremêlent comme ficelle bien tressée que l’on sait qu’il sera difficile de délier. Le refrain apporte une vraie portée soul, tandis que la justesse de la voix de Rogers, mixée à l’avant, éclipse les instruments. « Any Way » est une belle réussite, charmante et réverbérante, pop dans l’âme et sentant le parfum.
Suit « Déjà-Vue », retour au français en dépit d’un anglais que l’on semble de plus en plus préférer … Percussions électroniques compressées, guitare de velours jouée en bas du manche, échos synthétiques et Flore distille sa légère mélancolie, « trinquons à la mémoire des vies que l’on aurait pu avoir ». Si Paris devait réévaluer sa signature sonore, s’affranchir des accordéons, cela sonnerait de la sorte.
Arrive « Girl ! », au refrain fortement inspiré de « La Lune », l’hésitation en moins. Flore nous propose un hymne à la féminité et à l’amitié, de celle qui ne vous laisse jamais tomber. Dansez tout l’été, oubliez tout jusqu’à l’automne.
« Sweet And Sublime » est une tentative de réitérer l’exercice réussi d’ « Everything Eventually Ends », sorte d’electro rap, où sur un rythme organique et chaloupé les voix de Flore et d’Erick The Architect se mêlent, créant le contraste par ces variations de style. Lui se prend pour Eminem, ou le mec de la pub Lee Cooper et elle s’envole comme Donna Summer ou les choristes d’Amanda Lear période Sweet Revenge. Je ne sais quoi penser, le grand écart est peut-être trop grand, et la caricature jamais bien loin. A méditer, en tous cas le moins convaincant ici.
« Pulsar », chanson titre, achève le bal. On parle du décès d’une étoile, départ non voulu par ce pauvre astre qu’on pourra continuer à observer si longtemps après sa mort. C’est velouté, c’est un grand titre, véritable solitude sur fondu électronique. C’est la dépression des night-clubs, et les retours au petit matin … « Combien ai-je dépensé cette nuit ? »
Si l’on devait résumer la pensée de Pulsar, nous pourrions dire que l’Impé, après le biologique, s’essaie au sidéral. Si Tako Tsubo se perdait dans les méandres des souffles au cœur dans cette quête charmante du bonheur et de l’errance post-COVID, alors Pulsar est une renaissance. Sûre de son succès, s’auto-assumant complètement, sans Renaud Létang (Charles de Boisseguin « réalise » tout seul le disque), l’Impé vit et s’affiche dans son intégralité, dans la pochette intérieure (c’est un détail important, puisque c’est le premier album où l’on voit leurs visages).
Sous cet artwork, entre artificiel et délicatesse, ce papillon flottant au milieu des étoiles, nonchalamment posé sur cette main robotique, semblant caresser ce qu’elle ne sera jamais, Pulsar révèle son cœur profond, l’amour artificiel, les sentiments d’une machine.
Alors, ce n’est pas une révolution, ni une telle surprise, pas de virage tango à la David Byrne, pas de Gotan Project à l’horizon, voilà la clef du pourquoi c’est plaisant. Egale à elle-même, l’Impératrice est jeune et fait danser, c’est rare : on adore, j’adore ça.
Recentré mais éclectique, Pulsar est le disque de la maturité, une recette qui fonctionne, sans nul doute amenée à se bonifier dans les temps à venir. Les grandes heures sont devant, et quel plaisir de voir un front uni, et si beau travail. Merci.
Nous nous verrons à l’Olympia !
Pulsar, a groovy kind of love.
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le 8 juin 2024
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