Pump
7.1
Pump

Album de Aerosmith (1989)

Après s'être disloqués en plein vol au crépuscule des années 70, les membres de la compagnie Aerosmith ont été extirpés de leurs décombres par Run DMC grâce à leur réanimation miraculeuse de "Walk This Way". Depuis cette résurrection, Aerosmith s'est tout d'abord remis en selle pour accoucher d'un brouillon fadasse intitulé "Done With Mirrors" (1985) avant de rendre une copie bien plus honorable en 87 avec "Permanent Vacation" et son petit lot de hits qui poussa le groupe sur un tremplin pour sauter vers les sommets du Rock pour y dunker "Pump" deux ans plus tard à la face de millions d'auditeurs.
Pour se réhabiliter définitivement, Aerosmith se devait de relever la tête face à la prise de pouvoir de Guns n' Roses, leurs gosses illégitimes et leur appétit de destruction. Fallait leur prouver à ces branleurs qu'un de leurs géniteurs était loin d'être refroidis. D'autant que durant l'enregistrement, fallait aussi en montrer aux p'tits cons de Mötley Crüe qui tournaient à l'adrénaline pure en enregistrant "Dr Feelgood" dans le studio voisin de Vancouver.


Ainsi naquit "Pump" illustré par une pochette taquine, composé de 10 titres imbibés de vengeance, de Rock pur jus, d'effluves de sexe, sans rab ni rien à jeter, trônant sur le podium de leur discographie au milieu de "Rocks" & "Toys In The Attic".


Officieusement clean depuis quelques temps, les Toxic Twins et leur clique démarrent d'un coup de pump dans la tronche leur galette par "Young Lust", un titre feu d'artifice, survitaminé, cocaïné, calé sur les rails du tempo de "Toys In The Attic". Aerosmith bastonne dans tous les coins, Steven Tyler feule d'une intensité rare grâce à ses 3 poumons, les Gibson de Perry et Whitford découpent les esgourdes, la basse de Tom Hamilton rebondit frénétiquement comme une boule de flipper et au triple galop Joey Kramer sulfate lourdement derrière ses fûts et se charge d'achever les survivants et le morceau par un un solo de batterie pétaradant.


Sans temps morts, le groupe embraye avec "Fucked up, Insecure, Neurotic, Emotional" (pieusement dissimulé sous l'acronyme "F.I.N.E") chargé d'une lourde section rythmique qui claque les cages à miel sans aucun répit. Il s'agit probablement du morceau le plus heavy du répertoire d'Aerosmith et sans s'en rendre compte l'un des rares dépourvus de solo de gratte (y a pas Perry en la demeure).


Des rafales de riffs, un esprit d'équipe en titane assemblent "Love In A Elevator" un chef d'oeuvre paillard indéboulonable de leurs setlists. La riche structure permet à Joey Kramer en roue libre, de dispenser tout au long du morceau une leçon de batterie alliant groove, puissance, maîtrise, breaks, contre-temps...Joe Perry, l'homme aux 1000 sons, en profite pour étaler sa maestria et barbouiller le titre de furieux soli.


Sur "Monkey On My Back", Perry inonde les 4 minutes du morceau de sa slide parmi les cris d'un Tyler intenable, mué en homme-singe derrière son micro planté au milieu de la jungle.


"Janie's Got A Gun", power-ballad en son temps clippé par le novice David Fincher est signée Hamilton de ses 4 cordes. Un classique du groupe pour l'éternité, du niveau de "Dream On" ou "Living On The Edge" et bien plus vertigineux que l'infecte et mollement libidineux "I Don't Want To Miss A Thing" sur lequel Tyler aime tant s'épancher sans vergogne.


Comme un album concept, chaque titre de "Pump" est soit enchainé sans temps mort soit ponctué de courts intermèdes instrumentaux pour rappeler que la musique d'Aerosmith, elle vient de là, elle vient du blues.


Le second acte débute par "The Other Side", un titre groovy taillé pour la scène, gorgé de soul (mais pas que de vrais cuivres malheureusement).


D'apparence simpliste, "My Girl" taquine les 60's mais est magnifié par un jeu de basse de cinglé et orné de choeur Beatlesiens.


Les Bostonniens détournent leur carlingue direction le bayou, un sud ricain moite et crasse où ils se posent sous un porche à l'ombre d'un cyprès où Steven Tyler souffle dans son harmonica tout en chantant le bluesy "Don't Get Mad Get Even" transpercé par un refrain possédé et lascif.


Les 5 membres prolongent leur trip et posent les gaules au milieu d'une tribu indienne, se muant en cowboys tirant sur un calumet de la paix bien chargé et dansant une jig tour à tour vertigineuse et agressive. "Voodoo Medicine Man" est certainement l'incantation la plus zeppelenienne d'Aerosmith.


"What It Takes" fleure bon l'heure de fermeture d'un bar à routiers, de rednecks et autres viandes saoules. Aerosmith poursuit sa tradition en concluant ses albums par une ballade punchy. "What It Takes" engendrera "Cryin'" et "Amazing" mais n'a encore rien à voir avec la pleurnicherie gluante de l' "Armaggedon" à venir.


Quiconque a les oreilles en bon état de marche ne peut rester insensible face à une telle débauche d'énergie. "Pump" fourmille de subtils arrangements dans tous les coins, d'une production qui bastonne, la lourde basse d'Hamilton fait vraiment figure de meneur de jeu au milieu de ses complices et les choeurs jouissent d'un travail d'orfèvre.


Lors de chaque réécoute de "Pump", mon corps est fréquemment parcouru de frissons, les yeux rétrospectivement coincés entre 1989 et 1990, intimement lié à des souvenirs d'un séjour londonien, l'arrière goût de premières pintes, d'une salive étrangère...des images d'un autre siècle...
Quelques années plus tard, après de longues heures à poirauter fébrilement à la FNAC Montparnasse pour obtenir une dédicace du livret par chacun des membres et finalement balbutier à Joe Perry que je considérais "Pump" comme une bible du Rock, il me répond que "Nine Lives" lui est bien supérieur ! "Pump", funèbre ?!
Mouais...mais depuis je sais que c'est en partie un connard de Républicain pro-Bush et pro-armement, à côté de ses Pump...

Lazein
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le 4 juil. 2016

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Laz' eïn

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