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Young Thug et ses potos habituels (Future, Gunna, etc.) continuent à dupliquer une formule qui n'intéresse plus grand monde (il n'y a absolument rien de punk dans cet album)
le 25 janv. 2022
“L’artiste s’adresse à la sensibilité, non à l’intelligence”
Henri Lichtenberger (1864-1941)
Jeffery Lamar Williams est donc bien un artiste.
Le tout jeune trentenaire l’avait dit ; après le “So Much Fun” de 2019, le rappeur avait exprimé le désir d'embrasser un changement de ton significatif, à chercher à incarner ce qu'il appelait le "vrai rap" en puisant dans son côté plus introspectif et conscient.
Et bien c’est fait.
Semblable à son expérience Country “Beautiful Thugger Girls”, PUNK se concentre, la plupart du temps, sur une production atmosphérique et douce qui sonne presque folklorique. Voilà un nouvel album qui retrouve donc Young Thug expérimentant avec le son et le style mais en restant toujours fidèle à son esthétique de base. On a vraiment l’impression, ici, d’avoir à faire au Jeffery le plus vrai, ou du moins, le plus honnête.
Enregistré en 2019 à Venise, “Die Slow” est une entrée saisissante dans l’album, Thug parle de la violence et du traumatisme dont il a été témoin en grandissant, et comment cela l'a rendu si protecteur envers sa famille. La nature toute particulière et personnelle des paroles est surprenante car ce côté de l'artiste est rarement vu. Bien qu'il essaie de parler des mauvaises expériences de manière comique, sa douleur est prédominante dans sa voix, à chaque ligne.
“Stressed”, avec une guitare acoustique légère associée à une envolée de quelques notes de piano et un peu plus de rythme, voit J Cole et T Shyne poser, aux côtés de Thugger, des lignes sur l’obligation de chacun d’entre eux d’en faire le maximum pour leurs proches et les doutes qui en résultent.
“Stupid/Asking” prouve une fois de plus que Jeffery a toujours été un chanteur/compositeur se présentant comme un rappeur. L'accroche sur la première partie de cette chanson est peut-être son plus fort sur l'album, nous donnant une mélodie délicieuse sur un rythme acoustique spacieux. Il fait ensuite correspondre tout cela avec un crochet éthéré sur la deuxième partie de la piste. Un (déjà) classique, un coup de poing, un des points culminants de PUNK.
Thug a parlé de violence policière à motivation raciale tout au long de sa carrière et sur “Recognize Real”, Gunna et Thug juxtaposent leurs modes de vie luxueux avec des problèmes de société. C'est Gunna qui arrive avec certaines des prises de position les plus puissantes en chantant: "I won't be victimized / Judge and the police takin' my people's lives."
"Contagious", qui est une de mes préférées, embrasse des chœurs ambiants, superposant une mélodie de piano à un rythme simple comme aime Thug "I Wish That Keepin' it real Was Contagious." C’est magnifique.
“Peepin Out The Window” avec Future et BSlime en invités, prouve que les 2 poids lourds d’ATL (Le Wizard et Thug) peuvent sortir de grandes chansons. "All I see is a bunch of racist ass cops.", le sujet sur les violences policières revient sur une prod mélancolique et magistrale dont Thugger a lui-même participé. Mais la chanson traite aussi de la façon dont les gens perçoivent Young Thug, Future et BSlime, avec mépris et désir de les voir échouer au milieu de leur succès. C'est une critique acerbe de la culture du dépit que beaucoup de ceux qui les suivent ont.
Juice WRLD et Thugger envoient de bonnes grosses fanfaronnades à l’ancienne sur “Rich Nigga Shit” sur une prod lourde, écrasée par une basse abrasive, qui vient d’un duo 5 étoiles, Pi’erre Bourne et Kanye West!
“Livin' It Up” avec Post Malone et A$AP Rocky se démarque comme le morceau le plus instantanément accrocheur du disque, mais ce n'est pas un hit typique de Thug. C'est tellement minimal et dirigé par la guitare qu'on dirait que les 3 sont assis autour d’un feu de camp en train de composer la chanson sur place. La chanson aborde le vide de la richesse comme mesure du bonheur, qui semble être un thème dominant parmi les artistes ces derniers temps.
Le milieu de l’album est peut-être le moment le moins essentiel de PUNK. Il n’y a pas de mauvais titre à proprement parler mais le niveau émotionnel du premier tiers est tellement fort que certains titres n’ont, semble t il, pas vraiment leur place ici. Ainsi “Yea Yea Yea” ou “Faces” dénote un peu et les 2 bangers "Scoliosis" Ft Lil Double O et le monstrueux "Bubbly" avec les mastodontes Travis Scott et Drake paraissent faire le jeux des streams plutôt que s’acclimater à la trame de l’album. Mais j’avoue, je pinaille car ce sont des titres que je ne zappe pas malgré tout, à la réécoute.
Parmi les producteurs, nous avons évidemment de grands noms comme Bourne, Boomin, Wheezy etc… Mais je veux souligner l’apport de Watt & Bell qui se démarquent comme 2 des seuls producteurs à tendance pop du PUNK. Ils sont connus pour leur travail avec Malone, Miley Cyrus et Dua Lipa et sur “Fifth Day Dead”, ils apportent de la subtilité avec un rythme typiquement succulent permettant à Thug de livrer une partie de son travail des plus mélodique. Une vraie belle chanson.
Thug et Doja Cat ont du sens en tant que duo. Ce sont deux des artistes les plus charismatiques du game et peuvent tous deux livrer certains des sons les plus étranges qui soient. Ils s'affrontent sur “Icy Hot” en essayant de se surpasser avec des bruits bizarres, aigus. Le refrain est l'endroit où ils viennent vraiment jouer, sonnant d'un autre monde alors que la voix autotunée de Doja hypnotise en arrière-plan. Et ses vers sont tout aussi attachants.
Thug n'est pas du genre à livrer des chansons flamboyantes, comme un Kanye (dans son style hein!) par exemple, mais il a prouvé sur l'extraordinaire “High” (le remix du titre d’Elton John “Rocket Man) qu'il pouvait y aller s'il le voulait vraiment. Sur “Love You More” produit notamment par Metro Boomin, il retourne dans ce royaume avec un crochet entraînant de Nate Reuss et un rythme émouvant dirigé par un piano. C'est une chanson d'amour étrangement touchante avec Thugger sincèrement bouleversant.
"J'étais avec Mac la veille de sa mort", a déclaré Thug. “Il était dans mon studio et nous avons fait cette chanson sur mon album. Cette merde est tellement folle. Il est venu au studio, simplement, cool et a fait la chanson avec moi… et le lendemain il est mort. Et le nom de la chanson est "Day Before". Fuck…”. “Je pense profondément à cela parce que est-ce un signe? À un moment donné, vous vous demandez pourquoi ? Avez-vous déjà souhaité que Dieu puisse vraiment vous parler ?”
Day Before clôt l'album avec Mac apparaissant sur un rythme angélique. Il semble si à l'aise sur la toile de fond minimale, un Ukulélé gratté. Le titre est introspectif, confessionnel. Ce genre de rythme émouvant accompagnant Mac est déchirant à entendre.
Un hymne sombre qui fera chavirer les auditeurs les plus coriaces entre ses thèmes paranoïa et vulnérabilité. Et voir Jeffery laisser le dernier mot, le dernier son à un ami de manière assez simple finalement lui confère une modestie que beaucoup ont toujours eu du mal à voir, injustement.
Abordant les thèmes du traumatisme, de la richesse, de l'anxiété et de la famille tout au long de l'album, Young Thug s’est complètement libéré des tendances en les réinventant, c’est en fait ce qu’il a régulièrement fait depuis ses débuts.
Quand on croit que la complaisance s’installe, Thugger nous prouve le contraire en montrant tout l’inverse de la stagnation.
Il faut, évidemment, aussi parler d’un aspect vraiment intéressant : tout ce qui est révélé à travers la pochette de l'album.
Nous voyons deux visages et émotions différents de Thug face à face (chacun composé du corps de l'artiste). Un côté lance un dé et tient une pile de billets avec l'autre tirant les cordes d'une guitare avec une flèche d'amour attachée (comme Cupidon) et les deux se reflètent sur un étang quelconque. Les deux côtés sont antithétiques l'un de l'autre. Un côté capture un artiste plus fleuri et ouvert qui adopte un style de vie amusant, récoltant les bénéfices de son travail (vu dans la pomme poussant des branches de l'arbre). Remarquez également le rose, une couleur souvent associée à la féminité, à la réserve et à la vulnérabilité.
Sur la droite, nous voyons un artiste plus dans le questionnement. Vous pouvez voir les fissures le long du visage. En combinant cela avec un feu solitaire dans le noir, ce côté est beaucoup moins optimiste que l'autre.
Dans l'ensemble, cette cover est une excellente représentation des deux côtés de l'artiste que nous traversons dans Punk.
Avec sa voix devenue maintenant classique et son lyrisme habile ainsi que son mélange des genres, Young Thug a créé , encore une fois, un très bon album, ça c’est évident, mais surtout, il ajoute une nouvelle pierre à un édifice vertigineux qui ne ressemble qu’à lui-même.
Et quoi de plus Punk que de rester soi-même?
Créée
le 25 juin 2022
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