Platinum visait la cohérence et l'homogénéïté et y arrivait sans mal, QE2 surprend par sa nature complètement éclatée où chaque morceau explore une nouvelle piste qui ne sera jamais vraiment suivie par la suite dans l'album. Il y a du coup des morceaux surprenants et complexes qui se disputent la galette avec des choses plus légères, la nature fragmentaire d'une bonne partie des titres n'aide jamais d'ailleurs à assimiler pleinement l'album à la première écoute (ni totalement aux suivantes je dirais). Et même les morceaux courts partent dans tous les sens... Cela rajoute à la nature fascinante de ce sympathique disque en somme.
Sans surprise ce sont donc les pistes les plus longues qui s'avèrent les plus passionnantes du disque. Oldfield se fait plaisir, arborant un style rock et plus carré qui se faisait jour sur Platinum. Mais l'album avec ses sonorités celtiques, ses percussions et son synthé planant est vraiment à part. Le meilleur exemple reste Taurus 1 (les autres taurus viendront plus tard... La logique d'Oldfield m'échappe parfois) qui s'impose comme une pièce maîtresse et du disque et de la discographie d'Oldfield. Début à la guitare avec un petit fond de synthé puis viennent des riffs. Un nouveau climat s'installe pourtant à nouveau et ces derniers laissent la place à une petite mélodie mêlant flûte passée au synthétiseur sur fond de batterie électronique et d'un piano sobre puis vers 6mn la machine s'emballe : percussions africaine s'ajoutent tandis que l'ensemble prend de l'envol et que les riffs reviennent. Un titre à la croisée des chemins, rappelant l'Oldfield d'avant, celui d'Ommadawn et d'Incantations (le côté celtique, les tambours et batterie), mais tourné vers l'avenir, vers les années 80, le rock et le synthé (quitte à ce que plus tard, ça ne tourne pas tip-top). Conflict porte bien son titre puisque le titre fait tout pour déranger l'oreille dès le début en attaquant avec grosses percus d'où le mixage sonore lui donne plus de force que les autres instruments. Puis soudain le Mike se fait plaisir et insère les notes d'une petite suite de Jean-Sébastien Bach pour ensuite improviser des notes dessus et donner au morceau sa propre personnalité ! Quand à Arrival, il puise un peu chez ABBA. Why not ?
Lorsqu' arrive l'impressionnant et épique Mirage, on est pas au bout de ses surprises. Le morceau, répétitif, enfle de lui-même en une progression assez jouissive mais permet de relancer avec surprise le disque après les coups de mou d'Arrival et d'un mieilleux Wonderful land. Une bonne ouverture pour QE2, titre plein de contrastes entre moments apaisés et percussions dantesques au sein d'une progression qui semble s'arrêter quand des trompettes semblent annoncer on ne sait quoi vers 3 mn 30. Mais non, le morceau reprend, avec moult bruits de sirènes puis une cassure du rythme qui en fait une marche médievale toute joyeuse tandis que Celt annonce de lui-même la couleur avec de beaux chants de Maggie Reilly. La jeune femme entamera par la suite une bonne carrière avec Oldfield durant les années 80, chantant notamment sur les très connus Moonlight shadow et To France.
Et sinon quid de QE2 ? Ce sont les initiales de Queen Elizabeth 2, le gigantesque paquebot dont la pochette énigmatique et stylisée à l'extrême reprend la poupe du paquebot. Pourquoi ce titre qui sonne comme un composé chimique étrange ? Mystère. Il faudrait demander à l'ami Michel Vieuxchamp pour le coup. Mais pas sûr qu'il réponde.