Luigi Boccherini reste un compositeur assez méconnu et les enregistrements de ses œuvres n’abondent pas. Cause ou conséquence ? On dispose d’une pléthore de versions d’œuvres de Mozart ou Haydn (pour citer ses contemporains les plus connus), alors que certaines œuvres de Boccherini restent introuvables car jamais enregistrées. Question de talent ? Ce serait se fier uniquement aux modes et caprices des éditeurs qui travaillent souvent en fonction d’une rentabilité supposée. L’écoute de ces 3 quintettes avec deux violoncelles (dénomination indiquant qu’ils sont joués par un quatuor classique, violon 1, violon 2, alto et violoncelle, auquel se rajoute un second violoncelle), montre que la musique de Boccherini mérite largement la découverte.


L’utilisation d’un deuxième violoncelle tient probablement au fait que Boccherini était lui-même violoncelliste (voir l’illustration de pochette). Dans ces quintettes, le violoncelle affirme davantage sa présence que dans bien des quatuors du répertoire. C’est l’occasion de mieux situer la place de Boccherini dans l’Histoire de la musique. Né en 1743 à Lucques (Lucca) en Toscane (Italie), soit 17 ans après Joseph Haydn et 13 ans avant Wolfgang Amadeus Mozart, Luigi Boccherini s’affirme rapidement (se produisant dans des fêtes d’abord locales puis jusque Rome) comme un virtuose du violoncelle (qu’il apprend avec son père). Il est employé comme musicien à Vienne (théâtre impérial), en Italie (qu’il parcourt avec son associé le violoniste Filippo Manfredini) et à Paris (1767) avant d’être invité en Espagne par un ambassadeur. Si l’accueil fut décevant car peu chaleureux, il y passa néanmoins 37 ans (employé par différents nobles, dont le frère du roi, Don Luis, en qualité de « compositeur et virtuose de la Chambre » le musicien allant jusqu’à suivre Don Luis dans son exil à Las Arenas de San Pedro pour cause de mariage morganatique). Probablement sans concertation, Boccherini imagine à peu près en même temps que Haydn des œuvres pour quatuor à cordes dans leur forme dite aujourd’hui classique : avec les 4 instruments déjà cités et plusieurs mouvements où le violoncelle ne se contente plus de la basse continue utilisée dans les œuvres de musique de chambre de la période baroque. Une évolution qui a son importance, car les compositeurs trouveront dans le quatuor à cordes un dispositif où ils donneront libre cours à leur inspiration de façon extraordinaire. Pour les amateurs de musique classique, le genre quatuor à cordes est d’une richesse comparable au genre de la symphonie, tant par le nombre que la qualité des œuvres. Le mérite de Boccherini ne tient pas qu’à sa position de novateur, puisque les quintettes du présent enregistrement peuvent servir d’ouverture vers un univers dont l’exploration promet de belles découvertes. Si Mozart et Haydn sont les maîtres de la musique de chambre de leur époque, il serait absurde d’ignorer la production de Boccherini (comme si les Beatles et Pink Floyd représentaient à eux seuls la musique des années 1960-1970). Certes, la découverte de la musique de Boccherini est particulière, car le style (la personnalité) tranche avec ce à quoi l’oreille est habituée quand on s’est imprégné de Mozart et Haydn. Certains diront que l’esprit italien diffère de l’esprit germanique. Peut-être. Toujours est-il que ces quintettes de Boccherini sont des œuvres de qualité, très agréables à l’écoute. Au programme de ce CD :



  • Quintette op. 29 n°6, G 318 en sol mineur (4 mouvements)

  • Quintette op. 18 n°5, G 287 en ré mineur (3 mouvements)

  • Quintette op. 41 n°2, G 347 en fa majeur (4 mouvements)


Petites précision à l’occasion, la production de Bocherini est abondante et comporte pas moins de 113 quintettes (entre autres). Répertoriée par plusieurs musicologues, on s’y retrouve difficilement, car Boccherini a publié en Espagne, mais également en Autriche (par Artaria qui éditait Haydn, lequel correspondait avec Boccherini) et à Paris (chez Pleyel). La référence de l’éditeur (Harmonia Mundi) est le catalogue d’Yves Gérard. Les trois quintettes de cet enregistrement ont été composés en Espagne. L’opus 18 n°5 (conçu en 1874) fut édité à Paris en 1875. L’opus 41 n°2 ne sera publié qu’en 1811-1812. L’opus 29 n°6 date de 1779 (publication en 1813).


L’Ensemble Explorations fondé par le violoncelliste Roel Dieltiens en 1966 s’intéresse à des œuvres méconnues du répertoire classique, avec un souci d’authenticité par rapport aux intentions des auteurs. La formation comporte ici Christine Busch et Margarete Adorf (violons), Claudia Hofert (alto), Roel Dieltiens et Geert De Bièvre (violoncelles). L’enregistrement de ces 3 quintettes date de 2005. Le livret d’accompagnement indique que Roel Dieltiens est aussi à l’aise avec instruments modernes qu’instruments d’époque, malheureusement rien n’indique le choix fait pour les présents enregistrements.


En ce qui concerne les interprétations, n’ayant aucun élément de comparaison, je me contenterai de dire que l’écoute de ce CD me satisfait à chaque écoute. L’opus 29 n°6 est à mon avis le plus immédiatement séduisant par ses mélodies. Les deux autres gagnent à être écoutés plusieurs fois.
La prise de son ne comporte à mon avis aucun défaut. Les interprétations sont impossibles à évaluer puisqu’on ne dispose d’aucun élément de comparaison. La démarche présentée est sérieuse et l’écoute, agréable, très convaincante.


Pour conclure, voici quelques lignes inspirées (signées Raphaëlle Legrand) tirées du livret de présentation des œuvres, disponible avec le CD :


« Les mouvements initiaux nous frappent enfin par un traitement très personnel d’un matériau mélodique d’une gracieuse élégance : peu de travail thématique comme le feraient les Viennois, mais un usage abondant et assumé de la répétition des phrases, qui permet à l’auditeur d’apprécier la finesse du détail dans la ciselure de l’ornementation et surtout, la maîtrise absolue du compositeur dans la disposition des textures.
Que le premier violon et le premier violoncelle soient délibérément mis en avant, comme dans le quintette en sol (G 318), ou que les rôles soient plus équilibrés, comme dans les deux autres quintettes, Boccherini parvient à faire sonner le groupe instrumental de façon à créer un espace limpide et miroitant, traversé de zones d’ombres fugaces et de brusques éclats de lumière. Sur cette toile de fond transparente, les échos des bals champêtres et des danses de cour, des musiques pastorales et des accents religieux, des mélodies d’opéra et des guitares ibériques semblent nous parvenir par bouffées, se cristallisent en harmonies coutumières ou inattendues, en mélodies séduisantes, insistantes et légères. »

Electron
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le 17 sept. 2016

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