Ce disque - aujourd'hui estimé par tout ce que la planète compte de gens de bon goût (!!) comme absolument indispensable - a eu longtemps un parfum de honte : dans l'après 68, et au milieu des derniers bûchers révolutionnaires, alors que nous ne jurions que par Lennon, petit Paul osait chanter les joies de la ferme et de la félicité conjugale. Nous nous haïssions donc d'adorer autant ces mélodies parfaites, addictives, et pourtant doucement grinçantes, qui étaient sans aucun doute bien plus dignes de l'héritage beatlesien que l'(alors) incontournable "Imagine" du frère ennemi. Ce bonheur inouï et pourtant inexcusable que nous procurait Paul a aujourd'hui la saveur de la madeleine de Proust : celle des jours heureux qui ne reviendront jamais, mais qui ont finalement contribué à faire de nous des adultes meilleurs, nous qui avons pu grandir, puis vieillir avec les chansons de "Ram". [Critique écrite en 1993]